À Odile
J’assiste à ton être qui couve dans mon corps, mon Odile devenue. Tu bats mon cœur comme Louis bat ses tambours ; et tu bats dans mes veines. Tu es mon sang. Je te dévore. Et tu me manges, baisant ma tête nue. Tu marches. Ton pas à travers les broussailles. Un seau à la main. Doucement, tendrement tu t’appuies sur ma margelle et tu tires l’eau de mon puits. Que je lape à petits coups de langue dans ta bouche. Puis c’est la nuit.
À l’aube, j’assiste au LEVER de tout ton être… plus brûlant que mes draps. Comme un feu dans ma jambe. Plomb fondu dans mes reins. C’est le coq qui chante. (Gentil coq celui-ci ! Pas comme…) Un étang de plumes danse désormais jusqu’à perte de vue. Je suis poule au poulailler. Un étang de plumes danse. Et tu bats dans mes veines. Tu bats dans mon cœur comme Louis bat ses tambours : en orfèvre.
Et puis vient l’heure.
Vient l’heure et revient, marée ; couverture de soie sur des peaux de granit et de mousse. C’est trempé ; tout trempé de sueur et de quoi… ? C’est comme un bouillon chaud quand on a froid. Entends-tu le clocher ? Il bat à toute volée, cloches au vent, debout : c’est la terre qui tremble.
C’est des vagues.
Le ressac.
C’est la brousse.
Entends-tu dans la plaine les tam-tams qui nous bercent ?
Et c’est du bois. Et c’est de l’arbre. C’est un arbre qui boite, parfois.
Et c’est l’avion. Qu’on voulait. Qui vola. Se posa. Qui repose. Qui attend… Que des plumes me repoussent.
Tout plein de plumes.
Je pourrais marcher et voler. Je pourrais toucher la flèche des cathédrales. Et fondre sur les villes à bride abattue, tel l’âne-licorne ; avec toi mon ânesse… Encorner les églises et les palais des Muses… Ou les caresser avec nos yeux ; avec nos mains… Glisser de toile en toile et le long des reliefs avec grand appétit… Transpercer les mystères et les laisser intacts… Plonger. Y plonger la tête et puis nos tripes, sans refermer la porte derrière nous : d’ailleurs il n’y a pas de porte à proprement parler, c’est une brume ; une peau d’eau qui ne se peut déchirer.
Dans cette brume, se baigner, patauger comme des bébés innocents – innocents ? : vraiment ?! -, pour, enfin, tendre son âme… vers l’âme des artistes qui s’y est déposée.
Avec des ailes nouvelles, “je pourrais” ; “nous pourrions”…
Pour l’atterrissage, t’inquiète ! : un nid de lit nous tendrait les bras. Bras avides qui nous mangent.
Gaspard
(Philippe Baudet, janvier 2009)