A TABLE : Philippe Baudet, 2012 + 2014 (revu en 2019)

Posté

Pour cette année 2009. Mois de janvier, le 1er. Après 3h du matin.

 

 

UN SOIR AU RESTAURANT

(Suite de pochades pour pochetrons et gourmets)

 

Je vous salue Marie. Nous avions fait un beau voyage dans un repas de bonne humeur, où coula, si suave, la salive sur la table.

 

1

 

Des cerises goûtaient le gâteau, avides. S’essoraient et gouttaient : un jus serré et fort. Et quand on dit “fort” on veut dire puissant… Sur la langue du gourmet, l’humectant ou roulant, au creux du sillon musculeux, rouge caniveau, jusqu’au gosier fatal.

Après, plus rien ou si peu de choses : c’est dans la bouche que ça se passe, au gré des papilles. Mmmm

 

2

 

Loin derrière la serviette se jetait un verre d’eau… dans la gueule du loup.

 

3

 

Quand sous la pomme d’Adam chavire un verre de vin de bordeaux ! Inh ! Inh ! Inh !

 

4

 

Les reliefs d’un festin. Les dernières miettes de pain. Des gouttes de miel luisent encore sur la mie. Ou parfois de la sauce épaisse d’un civet de quelque grand-mère peut-être. Peut-être bien…

 

5

 

La fanfare des couverts relève la tête. Doucement.

 

6

 

Mais un obus des plus violents a frôlé le décor dans la salle à manger : une giclée de vomi ! Diantre…


 

7

 

Jadis, des banquets se levaient tôt pour être à la fête ; et après on allait au fumoir.

Aujourd’hui la viande rouge se teint en gris : « Voulez-vous voir, ma Mie, vous longue, vous fuselée, comment ça se mange ?... la viande grillée ! Venez donc alors vous mettre ici quand les oranges roulent…

Attention ! Ne vibrez pas !

Restez ainsi.

Ne vous décoller pas… du cendrier.

Et brûlez, en cigarette à bout filtre.

En flirtant avec ce qu’il reste de monsieur cigare, si vous voulez. »

 

8

 

Parfois, la bagarre des fins de repas : un coup de pelle à gâteau dans la trogne avinée, par une pogne avinée. Ma foi, c’est un spectacle qui en vaut un autre…

Parfois une main qui se glisse sous la jarretelle en fleur : c’est plus discret mais plus réjouissant… pour les amants qui cachent sous la nappe leur désir de dessert.

 

9

 

Et puis vient l’heure horrible : la danse des connards.

 

10

 

Alors fissa on sort.

 

11

 

Et l’air frais nous fouette les joues. Quand gueule derrière nous, là, dans la cave, dans la cuve, la beuglante D.J.

 

12

 

Elle et moi l’on s’éloigne, des fayots plein le bide. (Ou sont-ce des pruneaux ?) Laissant là la rumeur, on prend par le chemin parsemé de… Non, non, pas de cailloux, évitons ce cliché (mais, entre nous, sans doute que oui, il y avait des cailloux…) ; parsemé de canettes de bière.

 

 

 

 

Fin

(Philippe Baudet)