Au marché d'la Croix-Rousse
Philippe Baudet, 1985 (pour le texte), 2012 (pour l'étude audio piano/voix)
ATTENTION ! Archive audio de 2012 ! (Sans retouche aucune. Toute première étude piano-branlo/voix sur petit dictaphone de poche.)
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Au marché d'la Croix-Rousse... plane le mot : « rien »
Salades,
Tomates,
Carottes,
Olives...
V'là ton panier au marché.
Viennent s'ébattre des poulets...
Force t'est bien d'admettre
Que l'effort est superbe :
Jeune et chaste le plumet !
Plumes graissées, pattes en l'air ;
L'œil-globule, bête et rond,
Morne ou fou... ; qui rien ne happe ;
Où rien n'achoppe : nulle image...
Ah ! la merde : quelle forêt !
« Où es-tu « Pommelière » ? ... »
Tu peux prendre, sans rien craindre,
Vagabond, des tomates ;
Pommes pourries ; graisse de porc...
À midi pile tu bouffes !
Sur la place tout s'efface...
Elles s'en vont les voitures ;
Les camions fileront :
Aux hangars Marchandises ! ...
Une vieille brise l'espace :
Elle furète sans vergogne,
Elle furète... l'air-de-rien...
Claque au vent une voile bleue :
C'est la voile de l’heure-stop !
La chemise du flic fort.
Le marché sur la place
Reviendra - oh ! demain !
Deviendra à nouveau,
C'est promis, l'agora
Du pt'it monde de la ville :
Vaqueront les bacilles,
Les rires et les cris,
Des marchands, des chalands ;
Et des simples passants...
Mais pour toi Vagabond ?
La nuit vient, l'froid aussi,
Après l'après-midi d'rien ...
Tu as peur et tu gueules :
« Pute ! Quel corps... : tes nichons
Sont moins doux que mes côtes !
Ont l’odeur d'un vieux con !
Holà ! Nuit tu sens l'cul...
Le noir cul-de-basse-fosse ! »
Elle répond : « Que bois-tu ? ...
Quelle mousse à ta barbe !
Quand t’es beau, de la bière :
“Kanterbräu” t'met en bière !
Oui, tu meurs mon soûlard...
En rotant tout ton soûl !
D’une mort, sans papiers,
D’une mort, sous carton...,
Qui fait peur à ton chien...
Le marché d'la Croix-Rousse
C'est fini ; bien fini !
Comme est fini aussi
Le « marché » sur ton corps :
Rien ne rebute plus les poux
Qu'le sang froid dans les veines
Chez un mort en plein air...
Fier ou pas t'es marron !
Faut leur dire que t'arrêtes...
Faut leur dire qu'cette fois-ci...
Ben t'es bon... POUR LA MORGUE. »
(Philippe Baudet 1985)