Contrastes
Là-bas, comme dans un vitrail, des peupliers clignotent sous la lumière d’automne de leur feuillage vert pâle à jaune d’or.
Entre les branches s’étalent les lignes horizontales d’un immeuble blanc et se plante la verticalité d’une rouge grue. Horizontalité et verticalité sur lesquelles règne la masse pâle des nuages bleutés vaguement. Masse nuageuse jalouse de sa place de choix et qui la dispute au reste du ciel nu.
Les tac-tac, tic-tac, toc-toc, des machines, arrachent au cœur des chiffres.
On quitte un moment le dehors. On entre au cœur du bâtiment de tête. On ouvre des portes. On en ferme d’autres. On se trouve dans un long couloir. On prend à droite, on se retrouve dans un autre couloir. On se perd. Sans repères. Où est-on ? Vaste espace. Étrange nef. Cathédrale ? Non. Usine ? Peut-être. On entend des voix. En tendant l’oreille, ces voix évoquent les abeilles dans la ruche. Une reine, et surtout des ouvrières.
On revient sur nos pas. On reprend l’enfilade de couloirs. On reconnaît le premier couloir, celui que l’on prit peu après avoir pénétré dans l’immense bâtisse.
À gauche, tout au fond du couloir menant à proximité de la porte d’entrée - ou de sortie ? -, une plante en pot que l’on n’avait pas remarquée tout à l’heure. Lissée. D’un aspect un rien trop luisant. Plante grasse ? Artificielle ? Naturelle ? Qui évoquerait le plastique alors. Surtout sous l’éclairage de néon.
On s’apprête à sortir.
Un brouhaha se fait entendre venant de l’extérieur.
On sort.
Les sifflets des chantiers appellent à la prière. Dès l’après-déjeuner.
Dehors, sur le palier lavé du perron, une branche de houx rappelle un peu Noël. Quelques gouttes d’eau coulent sur le carreau de nos verres de lunettes. On essuie. Des enfants piaillent sous la pluie. Giflés par les branchages verts des arbustes - d’un vert juvénile : acide comme du verjus - qui longent la cour, les enfants jouent à se poursuivre. Et s’attrapent !
Au loin, dans un giclement d’huile, des engins s’ébrouent. Avec des cris de rage toute militaire.
Tout près, le parfum poisseux aux relents de pétrole du brouillard atteint le nez.
Le tac-tac des machines arrache de l’humain l’échine.
Un homme tombe.
Philippe Baudet