COURS, HENRI, COURS ! (version première, avant "L'empreinte" - "cours, guy, cours !")

Posté

« Cours, Henri ! Cours ! »

 

…Apparemment, oui !, tu n’entends pas les cris de démence…

Tu fais glisser bien d’autres bas ! Sur tant d’autres cuisses ! Mathilde, tu l’oublies – han !, en coups de reins ! – dans d’autres sexes fleuris, sentant bon la violette. Et tu entends des gloussements épanouis par ton satyriasis, cher satyre.

 

“Dépression orageuse ou pas” ? Hurlements de la truie ficelée sur l’autel campagnard : quelque échelle quelque part dans une cour de cambrousse encombrée et joyeuse ; encombrée de seaux, de couteaux, de hachoirs, de musique, de flonflons ; puis… encombrée du silence d’une enfant pétrifiée. Une enfant aux yeux noirs !

 

“Crises de démence ou pas” ? Beuglements étouffés de la truie quand lui plonge dedans, dans sa gorge flageolante, le poignard du sacrifice ! Avec la peur (ou la rage ?) au ventre ! Parmi des spectateurs aguichés, affamés ; et leurs bravos ! rien qu’à l’idée du boudin à venir. Un boudin tout chaud. Dans la gamelle sous le cou encore vif de la bête encore vive. Qui vit ses derniers instants… Face à la foule avide, elle se vide. Tandis que son bourreau, lui met les doigts !!! Lui met les doigts d’une main, dans la fente qu’il lui fit, sur la carotide. Lui ouvrant bien grand les lèvres de la blessure. Afin que tout son jus s’écoule. Long filet écarlate secoué de salves épileptiques, qui gicle à grande eau ! dans la bassine… Où, les autres doigts du bourreau, ceux de sa main libre, touille, touille doucement, dans ce seau-là, le sang qui va… s’empâtant… lentement…

Il tourne, tourne, de sa large main-spatule : lente toupie, au ralenti, le tueur de truie, pour casser au fur et à mesure, les grumeaux que, indésirables, l’on chasse, dans cette sauce, longue, longue à révéler, à venir… à point !

Comme le ferait un grand cuisinier sur le fourneau, il touille donc… patiemment, amoureusement, son fond de sauce, cuiller en bois au bout des doigts ; oui, patiemment, patiemment, amoureusement et savamment : « Mmmm… Miam, miam, miam ! » Cette sauce c’est le sang de la bête… Bientôt boudin enfin ! Quand, la truie enfin délestée, cette moelleuse matière, encore fluide, mais plus tellement liquide, se glissera dans les intestins prestement débarrassés de leur locataire naturel, prestement lavés… par d’autres mains, des féminines celles-là !, certifiées “bouchères-charcutières”.

…Chacun retient son souffle, en attendant ce moment suprême : acmé de la cérémonie symphonique ! Et le tueur brasse, inlassablement, brasse dans le récipient, pour éviter sans doute que ne se forment… au tout dernier moment encore !, d’encore possibles… bien gênants caillots.

Car c’est là tout un art ! Mais oui ! Et qui ne saurait s’improviser ! Ce n’est pas une tâche pour amateur ! Çà non ! C’est du boulot pour spécialiste ! (« Laissez donc faire “L’Artiste !”, Messieurs, Mesdames, et Mesdemoiselles !... »)

…Il brasse donc, le pro ! Il brasse… L’œil précis. Concentré.

Et c’est alors que d’un avant-bras, d’une main, de ses doigts lestes, agile, le tueur de truie… presse la rose chair porcine. Enflée, telle une vulve.

Dans le seau qui s’emplit, cela fume. Tandis que la tuée meurt. Devant les yeux d’une enfant brune. Dont le regard… s’embue. (Mais, “ailleurs” ; dans un recoin de la mémoire de la femme.)

 

“Folie… meurtrière ou pas” ? Il arrive quelquefois à Mathilde, de poursuivre Henri, avec un grand couteau de cuisine ! Ainsi qu’avec des grondements de fauve. Et les murs tremblent…

Et alors c’est au tour d’Henri, d’être la proie. Le cochon… dont ladite Mathilde, “harpie-bouchère” devenue, fera, si elle l’attrape, des rondelles de saucisson ! (« Cours, Henri ! Cours ! »)

 

 

Fin

 

 

 

 

(Philippe Baudet, 2011)

******************************************************************************

lien vers : L’empreinte (variante)