ELEONOR
Il faut que je vous raconte quelque chose.
Voilà-t’y pas que cette nuit, alors que rien ne (me) laissait présager un truc de ce genre, et alors que j’avais posé, comme à mon habitude, mon livre sur Pontormo sur ma table de chevet (après seulement une ou deux pages), et que, fermant les yeux, je m’apprêtais à un dodo bien mérité, soudain… Ce de façon complètement inattendue… (Et sans que je puisse expliquer ce phénomène. Et puis, pourquoi ce morceau plutôt qu’un autre ? Cette pièce-là précisément ?) Bref. Voilà-t’y pas que monte en moi une musique que j’ai récemment composée : ELEONOR. (Alors que c’était pour moi une affaire entendue, close, que bien d’autres perles à mon collier étaient venues me caresser le kiki depuis que j’en avais fini avec elle – a priori du moins, à ce moment-là.)
J’ai beau essayer de la raisonner, de lui dire tendrement : « Tout doux ma belle. Ce n’est pas l’moment voyons.
Et puis d’abord, qu’est-ce que tu viens foutre là à cette heure tardive de la nuit. T’imposer dans mes circuits neuronaux, hein ? Ce… Alors que c’est le moment du dodo, ho ! »
Oui, pourquoi cet envahissement musical nocturne ? (D’autant que j’en suis plutôt à m’occuper de mes images ces derniers temps. Et non de musique. Et surtout pas d’ELEONOR qui plus est.) Va-t’en comprendre ?
Mais rien à faire, la musique monte en moi et chasse les premiers signes d’endormissement. Mon cerveau est tout à fait réveillé maintenant.
« Ta gueule fais-je à ELEONOR ! », qui commence à m’escagasser, non mais !
L’excitation est telle que je suis même tenté de me relever… Pour écouter cette ELEONOR.
Eh… C’est bien ce qu’il ne faut pas faire dans ces cas-là : obéir à ce genre de pulsion… en pleine nuit.
Oui mais.
C’est plus facile à dire qu’à faire. Bien que j’aie résisté à l’appel d’ELEONOR, elle n’en continue pas moins de me travailler le ciboulot. (Un peu comme les sirènes dans l’Odyssée.)
Je m’aperçois même, figurez-vous, que je suis en train de composer mentalement un autre final à cette pièce. « Ben merde alors ! Ta gueule Orphée ! Moi, je veux à l’instant les bras de Morphée ! Et non ta Lyre ! »
Ayant évité de justesse de me relever, bien réveillé hélas, je vais devoir user d’expédients. Je rallume, reprends mon Pontormo. Lis beaucoup plus de pages que d’habitude. Avec « cette musique lancinante » qui continue de tonitruer, en fond, dans ma cervelle. Des heures passent. Quelques petites pilules plus loin et plusieurs chapitres d’affilée de Pontormo finissent tout de même par vaincre l’intruse.
Et Morphée l’emporte sur Orphée… in extremis.
Puis le réveil.
Le p’tit déj.
Mes occupations matinales habituelles.
Et quand même, j’en viens à écouter cette musique qui a tourné dans ma tête une grande partie de la nuit, sans que pour ma part je ne parvienne à tourner le bouton de cette… « radio importune » : ELEONOR je veux dire.
Bah. C’est bien comme c’est, je pense. Il n’est pas nécessaire d’en faire davantage à mon humble avis.
Oui mais… Ce nouveau final composé mentalement sous les draps ?
Qu’en faire ? Et si ? Hein ?
Bon, bon. D’accord. Au boulot charlot. On ne va quand même pas mourir idiot, hum ?
Que cette nuit-bazar ait au moins servi à quelque chose. Et puis, la curiosité est trop forte. Allons voir où cela nous mène…
Eh ! ma foi, si ça ne vient pas combler un manque, voyons tout de même de quoi il retourne avec cette variante.
Et la voilà !
ELEONOR numéro 3.
Bien à vous.
Ph Bdt, le dimanche 4 août 2024, en fin d’après-midi. (Eh oui, ça n’a pas traîné. Et une variante ! Une !)