HOMO SAPIENS SAPIENS...
HOMO SAPIENS SAPIENS
L’espèce-esprit plie. Plie sous la pluie ou sans la pluie. Sous le soleil aussi elle plie…
L’espèce-ego s’aigrit. En gros, en vrac et à l’unité. (Toute “espèce” sonnante... est trébuchante.)
Dans le détail elle engraisse, elle maigrit, tel un élastique. Ça va, ça vient. Elle vomit et mange. Sa rage l’encage. S’ouvre à midi, s’arrange à minuit (avec ses sortilèges électriques)… Mais, poupées gigognes, il y a toujours une autre cage au-dedans de la cage ouverte. La cage de l’inconnu.
L’espèce-maçon s’est construit des rues. Pour aller et revenir. Pour vaquer à ses occupations ; échafauder des plans, des théories… d’un pas leste et rassurant.
L’espèce-architecte, urbaine, s’est bâti des villes. Grandes, belles, hautes. De plus en plus hautes ; de moins en moins belles car elle est pressée, grouillante : elle fourmille.
L’espèce mortelle en-marge. Elle met à la marge. Ses intrus. Ses indésirables. Ses gêneurs.
Cela va des lions aux pouilleux – ses pareils.
Elle met en prison et elle met en steaks…
Elle a peur et elle a faim.
L’espèce-âme supplie ; érige des églises.
L’espèce-soldat bat le tambour.
Quand elle gagne elle bouffe l’autre. Sa colère la ronge… Mais c’est alors qu’elle s’enfle démesurément.
L’espèce-mouton dès lors parade. Elle s’épaissit de foule en foule. De meute en meute. Elle se rappelle ses dents carnassières…
Mais ses Grands Desseins toujours s’écroulent.
Ses empires aussi s’écroulent.
L’espèce-masse en perd la voix et ses fusées. Ses dieux, ses prêtres, ses idoles, ses icônes.
Elle vient alourdir, goutte à goutte, graisse à graisse, os à os, le ventre de la terre.
L’espèce-esprit, de débris en débris, se coule dans l’humus ; plie sous la panse femelle de la terre. Sous et dans. La terre qui étend tous ses tétons sur tous les/ses continents. Qui les tend à la vie. Éternelle ou d’un instant.
L’espèce-ego nage, liqueur, dans les veines de SA PLANÈTE BLEUE ; dans ses entailles ; bien sûr dans ses entrailles… au souvenir des bombes qui l’entamèrent. À peine… Fracas qui firent pschitt.
L’espèce-fossile qui passe. Qui passa. Et puis. Et puis…
(Philippe Baudet, 1998)