LA MAISON
Ta maison déjà est là qui ferme sa porte aux flux anthropoïdes… des dames blanches. Il te semble qu’un vent léger gratte aux volets, et vient mordre la pluie. Et la plume des hiboux. Des hiboux, ou des harfangs ?... qui peuplent ton grenier. Des parfums s’arriment à toi. Jusqu’au fond du lit : odeur de pierre et de bois mouillés. De pelage. De fleurs sèches ; de foin… De cordages. De plumage. De corsages sur l’étendage. Que le vent lèche. Et puis souffle sur ton esprit… endormi. En t’apportant de chimiques messages. Au fond du nez. Tes yeux mi-clos n’en croient pas leur paupière…
Une ombre anthropoïde s’est glissée. Telle chouette… Dans ton abri. Le pas est lourd. À l’étage. Le pas descend l’escalier. Ploc. Ploc.
C’est en s’ouvrant que le corps se déleste. Hop ! Un abandon furieux qui sous la peau palpite. Une pioche à la main, un bras se lève et frappe. Feutrant le bruit des os dressés comme des piques. Ça danse… Ça danse… Ça danse… Ou sont-ce des tétons lourds sur ta bouche ? Combien viendront encore avec toutes leurs dents se frotter aux baisers de tes ongles ardents ? Les mamelles te frappent ? ou bien sont-ce des armes ? La Terre promène le vent tout autour de sa taille. Elle le ramène sur ses seins, sur son ventre dodu. C’est sa musique mêlée… aux cris des mulots dans les becs ! C’est lui qui t’a surpris au fond de ton sommeil. Ce n’était pas un poing de soldat ou d’amante. Non. Armé d’une hache. Ou de lèvres rouges. Ton œil est grand ouvert. L’accord est singulier. Le vent qui se promène chuinte à travers les persiennes de ta maison. Le bois s’ébroue. Un oiseau de nuit s’essore dans le noir. Le vent gonfle. Cela secoue les lourds branchages de ton hêtre. Cela caresse le feuillage. Mais, fin d’automne, cela suffit pour l’éplucher d’une ou deux larmes, chargées de pluie. Elles gouttent sur ton front. La nuit. Toi, dans tes draps tu rêvais de dragons au casque emplumé. Au sabre fier. Le froid métal de la lame glisse sur ta joue. C’est d’un barbier ! Ou de cuisses-ciseaux…
Dehors. À petit feu, les fauves arbres emperruqués, sont rasés de près. Des boucles blondes encombrent la cheminée. Qui hurle. Hulule.
Et puis plus rien. Plus rien que des griffes sur la page devant nos yeux d’hiver.
(Philippe Baudet)