LA MER AU CRÉPUSCULE (La Mouette)

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LA MER AU CRÉPUSCULE

(La Mouette)

 

Le sable, pauvre moquette,

Soulève quelque mouette

Esseulée au crépuscule.

C’est le vent, la fée clochette du tapis, oui.

Il arrive à tire-d’aile et l’oiseau s’enfuit,

Tout mouillé d’Éole.

« Petite ombre d’albatros, l’escogriffe amer,

Ton cri de mouette, ô mouette gonflée d’air,

M’arrache un cri.

Fous le camp ! Allez ! Prends la poudre d’escampette !

Prends tes plumes fissa !, sale petite peste !

Je veux mon lit

Pour moi seul, à zébrer des grains de sable, ici ;

À m’enrouler dans ma plage toute la nuit,

Jusqu’à perte de vue,

Dans le chaud et le froid. »

 

Le sable, “triste litière”,

Tabac froid de tabatière,

Malmené jusqu’au matin.

 

Il aspire à la rosée

Quand, le vent enfin taillé,

Il est giflé par la mer.

 

La mer que survolent de lourds oiseaux de mer.

 

La mer mordue de pluie, des larmes de pluie dense,

De pluie dense et dansée, parce que la pluie danse

Avec son cavalier, son fougueux destrier :

Monsieur le vent ! Eh oui !, derechef dentellier

De l’étoffe de sable.

Pauvre sable ô tissu,

Sans repos car trop meuble,

Dans le flux, le reflux…

Royaume des châteaux des petits garçons-crabes

Dès que l’aube projette à coups de pinceau-sabre

Ses idées de lumière.

 

La première lumière. Brève tentative.

 

L’ombre qui vient, jaunit le blanc des seins des dunes :

On s’ouvre au point du jour de gros nuages noirs.

La rive à la fontaine boira tout son saoul :

C’est la marée qui fuit l’immobile clarté.

Là-haut dans le ciel on s’époumone et l’on pleure :

On pleut au point du jour… Et l’on pousse des cris,

Parmi des albatros et des mouettes en deuil.

 

L’une d’elles est tombée.

 

 

 

 

 

 

 (Philippe Baudet, 2000)