Le Coupe-chou (+ trophée - CUBE 9 B (uniquement paroles) AU : Philippe Baudet, 2012 + 2019 (étude audio))

Posté

Donald Trump est parti. Non sans s'être acharné à faire exécuter (à tour de bras) jusqu'au dernier, jusqu'à la dernière, tous ceux qui attendaient depuis de nombreuses années dans le couloir de la mort de l’État fédéral, sachant que Joe Biden, étant contre la peine de mort, avait le projet de gracier (à tour de bras). Aux États-Unis, chaque État est souverain sur la question de la peine de mort, et c'est au Gouverneur qu'il incombe de gracier ou non. Mais il y a des condamnés dont le sort est entre les mains du Président : les condamnés de l’État fédéral. Je ne connais pas le pourquoi du comment, mais bon...

Donald Trump donc a fait "saigner"... avant de partir.

 

Et je repense au temps où chez nous on avait encore la tronçonneuse. Ce, jusqu'en 1981.

Et je repense à Mohamed Chara. Et à ce texte que j'écrivis en 1991 sous le coup de l'émotion...

 

 

Le coupe-chou

(Hommage à l’an mil neuf cent quatre-vingt-un)


Le 29 décembre 1991 est décédé Mohamed Chara, des "suites" de sa condamnation à mort.

L’exécution n’eut pas lieu à l’époque de ladite condamnation (octobre 1980), d’abord à cause de vice de forme, ensuite parce que la peine de mort serait abolie l’année suivante.

Mais le mal était fait. Le mal avait pondu son œuf ! Chara est mort à petit feu. Après coup. Après… cou !

À noter ce léger détail : il était innocent. Beaucoup ont espéré voir son procès révisé. Il allait l’être sans doute. Mais trop tard : son corps a lâché prise, rongé par quatorze années de prison "indues", la maladie née à l’annonce du verdict fatal, et le désespoir. Il avait 33 ans…

Le surlendemain de sa mort, bouleversé, j’ai écrit l’ébauche de ce poème sur les Bois dits de Justice. Il n’y est pas fait mention directement de l’homme Chara. Seulement en filigrane… dans l’évocation de ses frères dans le néant : les mordus. Tous les mordus !

 

 

TROPHÉE



Quand fut passé l’an mil neuf cent quatre-vingt-un

Des corbeaux sont venus pour tâter des défunts

Dont le cou fit saillie hors de mon bec mordant

Du temps que mes mordus accrochés à mes dents

 

Ne cillaient même pas, invités à mes fêtes :

La Balance, ma mèr(e), m’a nourrie de leurs têtes !

Mes dents étaient d’acier. Mon cœur était de marbre.

Et ma chair, mon esprit, c’était du bois… De l’arbre !

 

La forêt se taisait dans la conscience humaine,

La Mort ayant "mes" Bois là-bas au Cabinet

Sous des Sceaux que l’on garde dans la Main romaine

(Avec sa main parfois l’on s’aime aux cabinets !)

 

Mais, telle une prière à réveiller les Ombres,

Le Code s’est glissé dans mon panier gourmand

Pour caresser l’ouïe morte de ses morts sans nombre

Et parler à chacun, comme on parle à l’enfant :


 

« Moi qui fus ton trépas dans l’aube qui s’élance,

Moi, l’Aveugle Service avec mon coupe-chou,

Je veillerai sur toi dans l’enfer de silence

Où le néant t’emmène… Où mon Article échoue !

 

Si le bruit a ses lois, le silence est de même :

On t’a coupé la tête, il te reste le corps !

Prends-le et viens danser – sans yeux. Tu vois : je t’aime.

Oui marche sur mes pieds mon Amour, mon Remords…

 

Je te promène ami en deux morceaux fanés,

Mais nos pas dans la neige vont d’un même pas.

Je suis ton "créateur" ô tendre condamné :

J’ai posé sur ton cou le baiser de Judas.

 

Je te tresse une hotte – hé ! veux-tu ? pour Noël ;

Nous y mettrons ta tête à téter les copeaux.

Je serai ta maman sous le froid de ton poêle ;

J’y pèlerai tes os, j’y tannerai ta peau.

 

TU SERAS MON TROPHÉE ! puisque c’en est fini

Des craquements… du sang… là-haut sur l’échafaud.

Tu seras mon sommeil… tu seras mon oubli…

PUISQU’IL N’Y AURA PLUS DE LAME POUR MA FAUX. »



Philippe baudet, 31 décembre 1991 & 2021 pour la préface