Piero sélénite
Dans la pierre lunaire où mon Pierre crayonne
Un œil sous sa paupière,
La main à la rapière
Pierrot en condottiere au marbre se cramponne,
Tout blanc du statuaire
Dans la nuit somptuaire
Gravée par la main leste et lisse sicilienne
Gantée de gibecière
Qui chasse la poussière,
Le sable longtemps vu, la pierre de Cayenne
Mâchée par les forçats,
Amassée – rien qu’un tas !
Comme des ossuaires, des débris de pierres,
Bris de pierre informelle
Qu’étouffe une semelle
Au jeu des marelles que tendent des drapières
Aux filles grimacières
En guise de suaire !...
…Faces grises de grès, morceaux de silicone,
Leur front ceint d’auréole
Les morts vont au Schéol ;
Drivant les Vents d’Éole, implorantes icônes,
Ils traversent l’ozone
En des « eleison ! »
Ils traversent la pierre de leur cher tombeau :
Dans la nuit sélénite
Cherchent hors du granit
Le croissant de Tanit, la lune, leur flambeau !
Là, dans l’œuvre lunaire où mon Piero rayonne
Philippe Baudet, Novembre 1992