CHANTIER "SOUS LE TROMPETTE DES MORTS"...
C'est parti !
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SOUS LA TROMPETTE DES MORTS
Je déjeune avec la chair.
Dans ma soupe trempe l’os.
La viande fait le gros dos ;
Je la mords à ma manière…
Mes gustatives papilles
Frissonnent dans la ripaille ;
Le cochon rôti s’endort,
Sous la trompette des morts.
(Philippe Baudet)
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Lamentations… (1)
Je déjeune avec la chair.
Dans ma soupe trempe l’os.
La viande fait le gros dos ;
Je la mords à ma manière…
Mes gustatives papilles
Frissonnent dans la ripaille ;
Le cochon rôti s’endort,
Sous la trompette des morts.
Les veaux soumis, les cochons en révolte, fileront doux.
Un à un, morceau par morceau, nous les aurons dans nos assiettes.
Bien agrémentés, enrobés de trompettes.
Cuisinés avec génie… ou à la chaîne pour les cantines,
Ils feront nos délices,
Ou, pour le moins, combleront nos estomacs en manque.
Un peu d’eux s’échappera.
S’échappera… en air : des vents.
Pets ou vesses odorantes. Ils seront alors, étymologiquement subtils.
(Philippe Baudet)
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Lamentations… (2)
Je déjeune avec la chair.
Dans ma soupe trempe l’os.
La viande fait le gros dos ;
Je la mords à ma manière…
Mes gustatives papilles
Frissonnent dans la ripaille ;
Le cochon rôti s’endort,
Sous la trompette des morts.
Les veaux soumis, les cochons en révolte, fileront doux.
Un à un, morceau par morceau, nous les aurons dans nos assiettes.
Bien agrémentés, enrobés de trompettes.
Cuisinés avec génie… ou à la chaîne pour les cantines,
Ils feront nos délices,
Ou, pour le moins, combleront nos estomacs en manque.
Un peu d’eux s’échappera.
S’échappera… en air : des vents.
Pets ou vesses odorantes. Ils seront alors, étymologiquement subtils.
2
Y aurait-il eu des cœurs pour se sentir volés ?
Enfumés tel le lard d’un porc assassiné.
Une bête agitée par des cauchemars de mort :
« Demain tu seras du pâté ! »
L’éleveur de porcs s’appelle Jean-Paul : le fils de l’éleveur de porcs t’appelle “Jean-Paul” !, petit cochon.
Ô doux minou à robe rose, des claquements de fer dans l’OR de tes prunelles et puis tu trembles : ton sang pressent le boudin. Mais toi – minijambons, future chair à pâté -, hélas, tu n’en peux mais. Tu n’as pas même le droit de grève, mon rondelet : la grève de la faim !
T’imagines ?
« Salut Charcutier ! Ohé ! c’est moi !, le p’tit dodu ! Et tu sais quoi ? J’te l’donne en mille. Je serai porcelet à jamais. Qu’est-ce que tu dis d’ça Patron ? À partir d’aujourd’hui, je ne mange plus. Je ne grandis plus. Je n’engraisse plus !
- “Porcelet à jamais” ? Pas mal mon maigrelet ! Pas mal ! Eh !, eh !
Mais pour l’instant, tu vas me finir ton auge ! Ou je te donne la bastonnade ; ou je t’égorge à la seconde ; ou je t’écorche ILLICO ; ou je te démembre ! Non. Mieux, si tu ne ME finis pas jusqu’à la dernière miette de ta bouffe avant que j’aie achevé moi de compter tes poux, je m’en vais plutôt te mettre À LA BROCHE CE SOIR MÊME : c’est succulent, sais-tu ?, un cochon de lait rôti sur la braise. »
Des claquements de fer dans l’or de sa prunelle,
Le jeune porc (minijambons ; bientôt pâtés),
Son sang pressentant le boudin dans sa gamelle,
Tremble en voyant son groin s’enfouir dans la pâtée.
« Pas le droit de grève. Malheur ! J’aurai donc ma graisse, mes deux cents kilos dans le noir de mon cachot dégueu’. Misère ! Misère !
De MA planète, de sa rondeur d’un pôle à l’autre, je ne verrai donc jamais rien. Je ne saurai jamais les aurores boréales ; je ne connaîtrai jamais Madame Australie ; l’enjambement des continents.
Et la mer ? Ah oui, la mer peut-être. Quand même ? Hein Patron ? Ohé !
Si, je dis bien, si, de me tremper dans la salaison naturelle des eaux marines vous occasionnait quelques économies, m’y permettriez-vous deux ou trois plongeons ? Hein, dites ? Moi, profitant de ma salaison, je pourrais voir comment sont les poissons. Vous, vous n’y perdriez pas au change. Au contraire. Ainsi, au moins je ne mourrais pas idiot. Est-ce trop demander ?
- Ta gueule pourceau ! J’en ai marre de t’entendre gémir. Sus à ta logorrhée ! Sors immédiatement ta langue afin que je te la coupe et que je la jette dans ta mangeoire : ça, oui !, ça !, ça me fera « faire des économies ». Ha, ha !
Comment ?! Oh !, tu n’veux pas ? Hum… Bien ! Alors voilà, comme je suis « bon prince », je t’offre une toute dernière chance de te racheter et de pouvoir espérer couler encore de longs jours et de longues nuits. De longs jours et de longues nuits… à te rouler dans ta fange !
Mais pour cela il va falloir que tu oublies tes caprices et que tu deviennes enfin raisonnable : conduis-toi en « bon-petit-cochon-mignon-tout-plein » et fais-moi du bon gros lard sous ta couenne. EN SILENCE !
- Misère… misère… »
Des claquements de fer dans l’or de ses prunelles,
La bête pleure : des larmes de porc bien sûr.
Car son cœur glacé perçoit déjà les rondelles
De saucisson ; son âme en allée dans l’azur.
Hélas Jean-Paul, tu n’as pas su convaincre ton “homonyme”, l’engraisseur de porcs, ton geôlier, ton cuisinier et ton futur bourreau. L’ange noir.
Désormais, tu devras te résigner à te goinfrer dans ton humide et puant in pace sans un rayon de lumière, sauf une fois par jour, quand la porte s’ouvrira, t’inondant de soleil, t’aveuglant : dans l’embrasure tu devineras alors la silhouette épaisse de l’ange noir. Ou bien celle, plus fluette de son fils.
Ils viendront, sache-le, pour tâter le « produit » avec leurs caresses salopes. Ils viendront le gaver.
« Et une bouchée pour oncle Giorgio. Mmmm…
Et une bouchée pour oncle Marcello. Mmmm…
Et une bouchée pour oncle Giovanni. Mmmm… »
Pauvre Jean-Paul ! Non, décidément tu ne sauras rien du vaste monde. Rien d’autre que l’exiguïté triste de ton antre-prison. Renonce à tes rêves d’aventures et de découvertes : cela vaut mieux, va.
Renonce également à ton désir de faire la connaissance des poissons : ici, tu ne risques guère d’en rencontrer (à part peut-être, de temps en temps, quelques têtes tranchées ou quelques queues nageant dans ta bouillie). Lie-toi plutôt d’amitié, si tu le peux, avec tes poux, car ils seront ta seule compagnie (hormis celle, un brin effrayante, de l’homme… « fournisseur de viande ! », et de son rejeton), durant ces longs mois - si courts - à venir, où lentement, mais sûrement, tu deviendras obèse. À POINT.
« Obèse à point » ; « obèse à point » ?
Que s’éloigne cette fantasmagorie animalière de mon champ de vision ! Que je reparte en vacances ?, convalescence ? Que je souffle un peu – un repos, ho !
- Non. Mieux. Que je me réveille ! D’un… « sommeil, l’autre ! »
Philippe Baudet, 2009 (petit extrait de Des Peaux ? Quelles Peaux ?)
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