TODAY (Lyriques Brouillards Lyriques)
Philippe Baudet
Poème de 1995-1999
Tentative de mise en musique de 2017
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TODAY
Un écran épais
S’amasse en brouillard
Entre nos maisons
Et la moiteur froide
- Car paradoxale –
S’immisce entre nous
Jamais ici-bas
Tant de froidur(e) fut
Franche couverture…
Ou linceul parfois
Pour bien des insectes
- Trop de créatures !
Là-haut dans le ciel
Point d’épée ne perce
Non plus de rayons
Pas même blafarde
La lumière inerte
De grands réverbères
Sur l’Olympe où Zeus
Est maître absolu
- Savant-météo
*
Ce soir
La Lune et son flambeau
Resteront cachés
Hagards
Derrière les lambeaux
De l’humidité
(Philippe Baudet, novembre 1995)
(TODAY, suite…)
LYRIQUES BROUILLARDS LYRIQUES
Anciens esclaves – en-castés, encastrés – des Marais, certaines nuits des Brouillards (monstres libres ou serviles, selon) se soulèvent, qui étendent jusque sur les routes leur étendard – leur gangue de bave -, tout occupés qu’ils sont à dégouliner sur la tôle des bagnoles tentant de se mouvoir en tâtonnant, visqueuses et noyées dans ce coton de poisse.
Les Brouillards alors ouvrent puis referment leurs mâchoires sur les pauvrettes ; les enlacent de leurs bras noueux et démesurés ; les enchâssent dans leur glu.
Après quoi, ils les pénètrent. Sans vergogne ! Et là, une fois dans la place, ils imprègnent le malheureux conducteur : lui soufflent au visage leur haleine GRASSE… qui VOUS pique les yeux et la peau,
leur liqueur qui BANDE LES YEUX ET LA PEAU.
On entend – quand on a du tympan – leurs lamentations, leurs plaintes étouffées, leurs gémissements et grognements, et tous ces signes de leur rage d’éternité ; les bruissements de leurs chaînes anciennes : tous ces cliquetis du fond des âges, AU PROFOND DE LA NUIT, pendant leur temps sur la Terre.
Dans la nuit, mais aussi parfois – ou souvent – dans la blafarde lumière de la scène qu’ils nous jouent durant le règne solaire, quand ils nous font leur Molière-du-roi-Soleil ou leur Lully-et-ses-ballets, tandis que dansent – valsent – les aveugles et mal-voyants qui s’entrechoquent et puis tournoient dans les halos – froide luminescence -, et sous un voile blanchâtre, seul rideau à ce théâtre : quand percutent des percussions sur contre-chant de crissements, et couinements, crépitements. Et cris…
Et dans l’instant qui suit, c’est la bleuité trouble au clignement binaire – tels des bravos - ; et les sirènes.
Tragédie plutôt que comédie !
Mais aussi, et pour finir, de jour comme de nuit – night and day -, lorsqu’ils nous font leur cinoche : tous ces claquements de dents jusque sur les tombes ; tous ces Sherlock Holmes… sur l’écran, sur les ponts de la Tamise à Londres ; tous ces Jack Machin-Truc l’éventreur et ces filles égarés dans la purée de pois londonienne ; tous ces chuintements dans le ventre du puits, qui brouillent les sens.
Toute cette vie et toute cette mort mêlées corps à corps – en amantes – dans l’humidité de l’instant bruiné.
Monstres anthropophages, les Brouillards, après leurs exploits terribles (ces méfaits ruisselants de fer et de sang), s’évaporent… dans la nature.
Et peut-être retournent suinter au sein des Marais, qui sait ? qui sait ?...
(Philippe Baudet, 1995/mai 1999)