Le bateau dessoûlé
TONNERRE ET TAM-TAM
Tonnerre et tam-tam
Sous le vernis craquent…
Dans le lit des morts,
Oui chez les Grands Morts,
En couches, en strates,
Des voleurs volés.
Ohé ! les voleurs !
Poètes, ils tendent
Leurs mains que traversent
Des signes, des vers,
Enfin palimpsestes !
Sur la peau vélin.
Cette peau de rien.
De veau mal vêlé…
Mieux que parchemin
Pour creuser, brosser,
La fleur littéraire.
Les pas des chevaux
Sous d’autres sabots…
À hue et à dia,
Charrues déferrées,
Aux pattes qui plissent
Dans des collants noirs
Et souliers qui boitent – qui boitent, qui boitent, qui boitent,
Gravent leur sillon
En sillon ouvert
D’où sortent des vers,
Qu’on a oubliés,
Pour prendre un bol d’air…
Leur jus putréfié.
Ce jus fut la mer !
Saignante marée
Qui dansa un jour
Sous la main, copiste…
Déjà. Décharnée,
Ce jour d’aujourd’hui,
Son jus bien pourri…
Comme les poissons,
Qui flottent sur l’eau.
Et des baves grises ;
Et la barbe aussi.
S’y lavent la brise
Et les voiles basses
De radeaux grisés,
Bientôt vermoulus…
Miettes et cloaque
Qui stagnent, qui stagne.
Là, sous des fagots
Tout juste cramés,
Anges déployés,
Mille imprécateurs…
Rôdent.
Prêts à dégueuler !
(Philippe Baudet, 2009)