APOLLINAIRE (+ A CROCHE-TOI LAPIN (CUBE 5) : Philippe Baudet, 2019)

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APOLLINAIRE

 

Apollinaire est l’un des plus merveilleux poètes qui soient – et l’un des plus merveilleux qui aient jamais été. Merveilleux, dans toutes les acceptions du mot.

L’un des plus tragiques aussi. À l’instar de Shakespeare : poète des merveilles et des tragédies.

 

Tantôt on s’amuse ; on est sous le charme ; tantôt on prend la pleine mesure de ce que l’on croyait nous chanter sous les yeux, léger, léger, avec la grâce de l’oiseau s’envolant : « Un oiseau chante ne sais où/ C’est je crois ton âme qui veille/ Parmi tous les soldats d’un sou/ Et l’oiseau charme mon oreille/ Écoute il chante tendrement/ Je ne sais pas sur quelle branche/ Et partout il va me charmant/ Nuit et jour semaine et dimanche […] »

Puis, soudain, alors que sifflotait gaîment un rossignol à nos oreilles, on s’aperçoit que ce que l’on est en train de lire est fait de boue, de balles, d’obus. Alors cesse l’oiseau de chanter tendrement à nos oreilles ; et l’on entend le fracas des bombes, et l’on voit la noirceur des tranchées de 14-18.

 

Apollinaire serait donc ce poète tragique des temps modernes, qui prend, comme le poète de la Renaissance, son luth ? Ou, qui prend, comme le faisait le troubadour au Moyen-Âge, son tambourin et sa flûte ?

Oui. Mais pas que. Il a dix-mille visages l’Apollinaire : il n’est pas de ces poètes, qui, pour chanter emploient toujours le même ton – de même que l’immense peintre du XVIIe, ce siècle dit de l’âge d’or, le « Peintre des peintres » : Nicolas Poussin, qui rétorquait à ses contemporains contempteurs : « Je ne suis pas de ceux qui, en chantant, emploient toujours le même ton ! »

 

Il est un peu le mage, un peu le sage, un peu le fou. Apollinaire.

 

Et n’oubliez pas, ou rappelez-vous, que c’est lui, Apollinaire, qui a inventé le mot : surréel (qu’il écrivit : sur-réel). Breton lui emboîtant le pas.

 

 

 

Philippe Baudet