ART POÉTIQUE
(I)
Ci-gît un vers dit libre, en une tombe austère…
Un vers ? Oui, ô Lyre. Mort ? Du moins qui se terre,
Parmi d’autres vers, blancs,
Qui se tortillent, eux !
Sors-le de son trou noir d’ivoire, ô muse amie !
Mets-le à germer dans ton sein, hé ! Polymnie !
Ah, déesse, en ton flanc,
Donne-lui tes yeux, bleus !
Bleus comme les flots bleus qui viendront l’enlever
Derechef. Bateau. Afin de nous transporter
Sur son pont, bellement
Ciré. Voluptueux.
Jardine-le, en attendant son évasion
Prochaine. Lisse ses ailes. De papillon…
Arrose cet enfant,
Qui sommeille. Taiseux
Encor, dans son sillon. En suspens dans l’histoire
Qui s’avance à pas de loup. Blanches rime(s) ou noires ?
Ah palpe ! prends-le dur ! ce vers qui est le duc,
Hé ! Polymnie !, d’un duché sans duc. Et sans suc.
Sans sucre ! Un café noir, brûlant la belle langue…
Qui jettera aux flots, ce long bateau qui tangue,
Ivre ou bien espagnol, sous Rimbaud ou Ferré ?
Vers errant qui boit(e) tel un cheval déferré !
Vers errant, tu boit(e)s, tel un cheval déferré…
Ta marche claudicante a la beauté tragique,
Celle qui chavire les cœurs…
Écrire sur un bout de ficelle, puis tirer dessus. Attendre la chute des phonèmes : pluie de bruits imbus d’eux-mêmes !
Philippe Baudet, 1989