Pamphlet chansonnier
« Nous ne pourrons jamais secouer le joug de la rime ; elle est essentielle à la poésie française. Notre langue ne comporte que fort peu d’inversions ; nos vers ne souffrent point d’enjambement ; nos syllabes ne peuvent produire une harmonie sensible par leurs mesures longues ou brèves ; nos césures et un certain nombre de pieds ne suffiraient pas pour distinguer la prose d’avec la versification : la rime est donc nécessaire au vers français. »
(Voltaire - in Discours sur la tragédie)
CHANSON POP – (Yé !)
(Mirlitonnade et vingt-cinquième degré)
Eh ben moi, j’enjambe ! et va te faire lanlaire !
Et puis dis ! t’as pas été prophète Voltaire…
Te faire lanlaire avec ta rime tu peux
Aussi. Ton vers français a vieilli depuis “peu” :
Oui, depuis Hugo on sait que la dissonance
Dans l’harmonie donne à sa sœur la consonance
Du contrepoids sur la balance, un contrepoint
Au rythme régulier, ce rythme que tu oins,
Point n’en doutons, du chrême sacré : l’hémistiche !
Ce poing américain au cœur du vers-potiche…
Un bon coup dans le foie, ça le plie à la loi :
Ci, souffle le souffle binaire à chaque fois.
TA PROSODIE S’EN FICHE D’ÊTRE SYSTÉMA-
TIQUE, LA SCANSION SYNCOPÉE C’N’EST PAS SON TRUC.
Allons ! ne sois pas fâché Voltaire. Si je te tance c’est pour me pousser, un tant soit peu, du col… et du talon ! au pied de ton savoir immense, à l’ombre dans tes Lumières.
Face à ta science, ma maigre sapience ne fait pas le poids – et de loin : un petit pois opaque sous un globe de lumière -, tu le sais.
Alors, ricane ! Comme tu ricanais naguère sur/dans le plâtre, quand je vous dessinais – lui et toi – à l’École des Beaux-Arts. Prends-moi pour un con, je le mérite. Mais ne sois pas méchant : T’AVAIS PLUS D’DENTS, J’M’EN SOUVIENS BIEN !
Philippe Baudet, décembre 1992