MIRLITONNADE (Pastiche et potacherie)

Posté

Pamphlet chansonnier

 

« Enfin Malherbe vint, et, le premier en France, - Fit sentir dans les vers une juste cadence, - D'un mot mis en sa place enseigna le pouvoir, - Et réduisit la muse aux règles du devoir. »

(Boileau – in L’Art poétique)

 

 

MIRLITONNADE

(Pastiche et potacherie)

 

I

 

Cela advint jadis parmi la mauvaise herbe

Le roi étant soldat, soldat se fit Malherbe

L’un ordonnait l’État et l’autre le français 

L’un mit la poule au pot, l’autre perça l’abcès :

Tout au moins le crut-il, en se faisant notaire

Du verbe ! en le mettant aux fers réglementaires

 

Et l’œil à la loupe il fouilla le vers-voyou

Des Villon, des Ronsard, et ce avant Racine,

Avant Boileau-gibet :

Le Grand Inquisiteur !

Et la lampe à la main, le cœur sur les genoux,

Il gratta au stylet et jusqu’à la racine,

Le corps de l’Alphabet,

Ce plant perturbateur

 

Et la main au fléau, fouailla le vers-rebelle

Des Belleau, des Bellay, et ce avant Boileau

Érigeant son gibet

De Grand Inquisiteur…

Et la lampe sur l’œil, le cœur là : sous l’aisselle,

Il gratta au stylet, il gratta jusqu’aux os

Le corps de l’Alphabet,

L’Alphabet contempteur…

 

Arrêtons le fou-et du sieur de mauvaise herbe

Et – triste redondance – l’interpelons : « Malherbe !

Pour quel festin de cour surinas-tu Ronsard ?

Le quatrième Henri t’octroya-t-il ton lard ?

Et, pour que tes chausses sentent la fleur de lys,

Faudrait-il pendre Villon à Pli selon pli ? »

 


 II

 

Que vous a fait le i Messieurs les Grands Classiques ?

Que, tout en flétrissant l’hi-a-tus abhorré,

Vous le maltrai-ti-ez ainsi à votre gré

Sous la Question en diérèses cacophoniques ?

 

Voyez ça Classiqueux ! il fallut un Hugo

Pour secouer – un peu – le chêne de vos Lois :

Faire la di-é-rèse ou ne la faire pas ?

Écarter d’une main le joug et de l’autre

Déverrouiller les fers et – foutre redondances !

Mettre à bas le bât, puis au harnais donner du mou…

Et pourtant, cher Victor, au regard d’aujourd’hui

Tu n’es pas – vraiment pas – le Schönberg du vers français :

D’autres Hernani n’y suffiraient pas ! Il te faudrait

Dérober… bien d’autres escaliers !

 

 

 

Philippe Baudet, 1992

 

(N.B. À peine un brin de premier degré. Car, si je ne prise guère chez Malherbe le policier des lettres, j’éprouve en vérité une profonde admiration pour son œuvre littéraire. Et une grande humilité face à elle. Donc ici, oh, du vingt-cinquième degré ? Ma foi ?)

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Lien vers : "Il n'est rien de si beau" (Malherbe)