Et qu’as-tu fait, ce jour, ô Apelle ? (+ CALIO 5 : Philippe Baudet, 2018)

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Et qu’as-tu fait, ce jour, ô Apelle ?

 

Jeudi, 10 septembre 1987. Aujourd’hui, rendez-vous avec Christophe pour une première séance de pose.

En fait, je n’ai pas eu le temps de me chauffer : Christophe s’est assoupi presque aussitôt ; et, pour faire bonne mesure, Pauline s’est réveillée.

J’ai alors monté quatre à quatre l’escalier ; suis allé chercher ma petite ; ai fait bouillir l’eau pour le thé, en même temps que je donnais la becquée à mon oisillon.

 

Tête dodelinant, étirant ses longs bras, poings se fermant comme on l’imagine, Christophe glisse sur le canapé. Les paupières gonflées comme il se doit en pareil cas, surtout dans le cas de mon jeune frère… qui a le gonflement facile question mirettes (pour ne pas employer le mot enflure, terme approprié, mais pas très distingué, n’est-ce pas).

 

Bref, à peine réveillé, Christophe a, en bâillant lourdement tel un nounours, bec grand ouvert… qu’il referme en un clac ! bu, tétée à tétée, son thé, agrémenté de quelques petits-beurre, en souriant comme un bébé.

Ou comme ma petite Pauline, à l’appétit apaisé maintenant.

 

Eh ! Moi seul n’étais pas rassasié !

Pas assouvi… question dessin.

 

Il ne me reste aujourd’hui, dans mon carnet, guère plus qu’une ébauche : quelques traits et ombre schématiques, pour une tête penchée et un buste – bras croisés. Et… il n’y a qu’un œil ! (Ouvert, je veux dire.) Mon frangin ayant fermé boutique : tiré le rideau de fer de son magasin, clos ses carreaux quoi (il vous faut un dessin ?), à peine avais-je indiqué l’œil droit.

 

Un peu frustré je fus, mézigue.

Pas eu ma pâtée.

 

Mais, bah… Considérons la feuille : ma foi, ça a du chien, quand même. Oh, un chouïa.

Pour un cyclope, ce n’est pas si mal.

Pour un portrait, c’est un début.

C’est même assez ressemblant, figurez-vous.

Eh ouais !

 

Bref, ferme ton carnet, Apelle ! Et ton clapet !

 

 

Philippe Baudet, 1987