Hystériquement vôtre…
(« Hystérie comparée » : de Charcot à Zulawski, en passant par… les Clowns.)
Première tentative d’introduction…
De notre point de vue, à nous, aujourd’hui, bien au chaud dans ce que l’on appelle : « le présent » ; du haut de notre Chaire, du haut de cette « clairvoyance » un peu facile que nous donne notre place, que l’on croit privilégiée, dans le temps, dans l’Histoire des hommes ; du haut donc de cette aube - la nôtre ! - du XXIe siècle ; bref, de notre point de vue… en quelque sorte « épistémologique », eh bien, il nous semble amusant (voire comique) de constater à quel point a pu fonctionner (un court moment…) au XIXe, en plein boum, au cœur même du mythe (prométhéen, mais vain…) de Progrès, une certaine « lecture ». (Une « lecture certaine ! ») Dite rationnelle. À prétention « scientifique ». « Définitive ». Auto-promue, et criée sur tous les toits d’Académie, par l’un des plus éminents spécialistes d’alors des maladies du système nerveux. L’un des plus à la pointe. Nous avons nommé… le Dr Jean-Martin Charcot ! ; Professeur à la Salpêtrière.
...Une « lecture », disions-nous ; « savante », s’il en est !
(Bien qu’à nos yeux, tout juste… « risible », finalement. Mais, nous sommes, de parti pris !)
…Une « lecture » ? Quelle « lecture » ?
Ah çà ! Qu’est-ce tu fais là vous ?! Toujours dans mes pattes !!! Bah… Reste, va. Restez.
… « Lecture », « lecture » …D’un objet …que l’on peut … s’étonner …de retrouver ici : en ce lieu, où l’on trépane et écartèle d’habitude des grenouilles : L’ŒU-VRE-D’ART ! Une sorte de « révision », en quelque sorte. (Pour ne pas dire de « révisionnisme avant l’heure ».) À tout le moins une « relecture » … D’une matière, quasiment… gravée dans le marbre ! (Hop-là !!!) Une « relecture », d’autorité ! – vouais ! : autoproclamée ! Relecture …Des œuvres d’art !!! (Non mais, j’ vous jure ! Le sans-gêne que voilà-t-y pas !!!)
Ah ?!
Oui, mon vieil Auguste. Oui… Et cela, dans le seul but d’appuyer, mieux… de con-fir-mer, ses thèses. À ce cher Charcot…
Ses thèses ? Quelles thèses ?
Oh… Mais, de celles qui devaient révolutionner la neurologie, mon bon kiki ! (T’as pas vu un doc' là-d’ssus ?, dis ?, à la téloche !) Affermir la neuropsychiatrie… « La compréhension des mille et un bobos, mille et un désordres mentaux de nos frères et sœurs humains », voyons ! Particulièrement, de la Reine des reines du temps jadis : la fameuse hystérie. (Youpi !!!) Si ?!
…O. K., madame Blanche. O.K. (« Chercharcot-chercharcot-chercharcot… cococo-c’ôt !!! »)
Mais que vient faire l’Art dans cette affaire ? Que vient-il fiche au sein de la Faculté ? Au Royaume des grenouilles séchées ? Et des embryons baignant dans le formol au-dedans de bocaux à cornichons ? Ou encore… des papillons épinglés « par le travers en deux ! », toutes voiles dehors… de foc sus !!! Et cetera. Hein ?!... Cheffe ?! Hein ?!... Dame Blanche ?!
Ah çà, mon Auguste, c’est-y, comme Jeanne d’Arc, par voie de voix d’Archange, que s’est vu
investi d’une sacrée mission, cet apôtre-chercheur ?! (Qui endort à tire-larigot, d’un geste hypnotique, gugusses, cocottes qui couinent.) Toujours est-il, qu’il la mena bon train ! Et, du moins le crut-il, à bon port, SA mission ! Quelle mission ? En l’occurrence, farfouiller dans le ventre des œuvres d’art. D’art… religieux, le plus souvent. (Quoique, pas exclusivement…) Œuvres d’art… dans lesquelles Charcot, extirpant boyaux après boyaux, tout comme les aruspices des Temps Antiques, va pouvoir trouver ce qu’il cherche du moment qu’il se sert de son outil de prédilection à lui : dresser un diagnostic, tel que devant un malade, guettant les symptômes; d’un œil aiguisé certes, disséquant peintures, gravures, bas-reliefs… selon un angle d’attaque rigoureux, celui de l’expert, averti et supérieur… ça va de soi ! ; mais… en faisant fi de tout le reste (tout ce qui pourrait être purement… plastique - et c’est là quand même le propre d’une œuvre d’art, non!). Charcot aura la prétention de démystifier et même démythifier. En clair, de percer le mystère. De faire le jour enfin.
Ce faisant, vois-tu, ô moi-clown, il décrit et « traduit », mimiques et gestuelles issues desdites œuvres d’art en signes cliniques. Les dépouillant du même coup de leur pouvoir poétique…
Stop !!! (« Chercharcotecodette !!! »)
Résumons : en fait, il « détourne », quoi, cet homme-là ! C’est bien ça, non ?...
Ouais ! Mais, dites-nous, tézigue-mézigue, faites-vous discret cinq minutes... Possible…?!
Car j’t’avions-z’aviez du pain sur la planche : un-ex-po-sé, sur les bras, sur le métier, à t’nous-vous taper avant l’aube, avant que le coq ne chante ; tu n’vous sachions pas, dis ?
…Or donc. Ironie des mouvements de balancier, l’artiste se « venge » du scientifique, qui va en retour, emprunter sans vergogne (en un futur proche) à cette nouvelle grammaire ! (Dessinée cette fois-ci par « la Mathématique médicale » !) Dans ce dictionnaire-là ! À ses propres fins ! Pour son plus grand profit ! L’Artiste… bâfre !!! D’où, l’expressionnisme ; dans le cinéma naissant particulièrement. Usant force gesticulations, grimaces, contorsions… Directement influencées, pour le coup, par les descriptions imagées de l’analyse clinicienne ! (Boum, boum, boum, boomerang !!!) Puis retour au mystère. Refaire la nuit.
*
Seconde tentative d’introduction…
Le problème posé, ou que l’on voudrait poser, tient en la confrontation du discours théorique sur la prétendue « possession par le démon » (l’hystérie selon Charcot), face à l’incarnation du mystère, par l’artifice qu’est l’art. Ici, le cinéma. (L’hystérie, selon Zulawski.)
1. A propos du livre Les démoniaques dans l’art de Charcot (et Richier).
Charcot puise dans les œuvres d’art (cela a été répété à satiété). C’est-à-dire, pour lui, en son temps, un temps où le cinéma, bien que pour demain matin, n’est cependant pas encore un contemporain, n’en est pas même à sa préhistoire [« et son ancêtre ? - oh, à peine une curiosité de foire ne pouvant guère être prise au sérieux ! »] ; c’est-à-dire, dis-je, pour lui, Charcot, en son temps, eh bien il s’agit de faire son plein d’avoine... évidemment au sein des bien nommés « Beaux Arts ». (Arts majeurs !) De plus, à ce qu’il semble, il s’en tient – va-t’en savoir pourquoi au juste ? quand peintres et sculpteurs de son époque suent et se tuent à la tâche - à l’estampillé : « passé » ! Et en tire, parallèlement à ses constatations in vivo sur les patients, un complément précieux – croit-il -, d’informations, pour l’aider dans son entreprise d’analyse des formes, que prend, selon lui, l’hystérie (et autres maladies mentales). Mieux : il convertit tout cela, en une sorte de langage des corps. Dans l’anomalie due à la souffrance. Une symptomatologie. Presque un lexique… des contorsions, raideurs, déformations. Figures « chorégraphiques » extrêmement précises. Et classées. Et commentées. Bref. Un opus.
(« Nous nous proposons […] de montrer la place que les accidents extérieurs de la névrose hystérique ont prise dans l’Art, alors qu’ils étaient considérés non point comme une maladie, mais comme une perversion de l’âme due à la présence du démon et à ses agissements. […] Les possessions démoniaques, dont l’histoire nous a conservées de longs et minutieux procès-verbaux, sont en quelque sorte décrites avec non moins de force et de véracité dans les œuvres d’art. Des miniatures, des plaques d’ivoire, des tapisseries, des bas-reliefs en bronze, des fresques, des tableaux, des gravures ont retracé des scènes d’exorcisme et figuré les attitudes et les contorsions des « possédés », dans lesquels la science retrouve aujourd’hui les traits précis d’un état purement pathologique. […] Depuis longtemps, nous avons recherché depuis les œuvres d’art les plus diverses celles qui avaient spécialement trait aux démoniaques convulsionnaires. […]
L’antiquité ne nous a pas fourni de matériaux que nous ayons pu utiliser. Elle paraît avoir toujours évité de peindre la Maladie. Elle s’est tout au plus bornée à représenter quelques cas de difformités. […] Les premières représentations de démoniaques que nous ayons rencontrées, datent du Ve ou VIe siècle. Elles ont un caractère sacré. Plus tard, au Moyen Âge, elles reproduisent des scènes de la vie des saints et sont du domaine essentiellement religieux. […] Les artistes espagnols se sont exclusivement attachés à reproduire les caractères de l’extase sur les visages et dans les gestes. En revanche, l’école de Breughel, sérieuse sous sa forme excessive et caricaturale, nous a fourni des renseignements d’une valeur toute particulière, restituant avec les mœurs populaires les symptômes précis de la grande névrose, à propos des processions dansantes, désignées sous le nom de « danse de Saint-Guy ». […]
Pour les œuvres des maîtres de la Renaissance, certaines d’entre elles, celles du Dominiquin, d’André del Sarto, de Rubens, pour ne citer que les plus célèbres, portent avec elles les preuves d’une scrupuleuse observation de la nature. Nous retrouvons dans la figure du possédé tout un ensemble de caractères et de signes que le hasard seul n’a pu réunir, et des traits si précis que l’imagination ne saurait les avoir inventés. Bien plus, nous pouvons ajouter que […] le modèle dont s’est inspiré le peintre n’était autre qu’un sujet atteint de la grande hystérie, et ce n’est pas une des moindres preuves de la perspicacité, de la sincérité de l’artiste, que ce diagnostic rétrospectif d’une affection nerveuse alors méconnue et attribuée à une cause surnaturelle. […] Nous ne terminerons pas sans dire un mot des extatiques, qui, dans certains cas, méritent à plus d’un titre, d’être rapprochés des « possédés du démon ».)
D’après Charcot, si on le suit (ayant lu tout son livre) jusqu’au terme de son raisonnement, de sa logique, jusqu’au bout : on veut dire si l’on s’incline devant ses « observations » comme on pourrait le faire en prenant pour argent comptant les « conclusions savantes » de sa littérature de spécialiste, « extase », « extatiques », « possédés du démon » se traduisent bien entendu par ces mots-clés : « hystériques », « névrose hystérique », « convulsionnaires », voire « épileptiques », ou « épileptoïdes ». Mots révolutionnaires et qui tout expliquent… de ce que l’on sut voir… mais non pas comprendre, dans les temps reculés, quand régnait la superstition. « Vade retro superstitionas !!! » Exit la grâce. De l’Art vivant était venue la lumière ? « Soit, soit, admettons, mais… troublée par le prisme de l’ignorance : une lumière trouble, par conséquent ! », selon la médecine, qui en expulsera… « Pour le plus Grand Bien de l’humanité tout entière ! », ces « scories que sont désormais (pour l’homme moderne), les extases et autres miracles » ; explorant (exploitant) néanmoins, ce qu’il en reste de dernier jus à presser. (Avec la – bonne – conscience de… transmuer le plomb en or ! - en somme…) N’hésitant pas, dans ce but (au prix d’un terrible contresens), à détourner l’Art. De sa vraie destination. (Nous nourrir ; à demi-cuillerée. À demi-mot. Demi-mot. Demi-mot…)
Mais cette matière première n’a pas rendu les armes. Pas dit son dernier mot, justement. Et ô paradoxe ! c’est en passant par la glose médicale elle-même, illustrée et commentée, en la détournant à son tour... par la grâce de quelque « loi de la Nature » qu’ignore La Science, que revint, par la grande porte, l’indicible, l’ineffable : le mystère quoi ! Recouvrant – sous l’habit de l’Art - sa légitimité. Au plus fort du rationalisme ! Le plus obtus qui soit (qui plus est !). Art… N’hésitant pas, lui non plus, revanchard ? opportuniste ? – tout du moins en ce qui concerne le cinéma, « adulte » en devenir –, à faire son miel… des travaux scientifiques.
…Et hop ! Moteur !!!
2. Esquisse pour un art nouveau : le cinématographe.
Un grand saut en avant dans le temps. Et nous voilà aujourd’hui.
Il y a des lustres maintenant que le cinéma a fait ses preuves en tant que médium artistique.
Il va jusqu’à prendre la tête, dans ses œuvres majeures. (Toute une partie, il faut en convenir, du 7ème art, est demeurée purement commerciale, industrielle.)
Ne parlons que d’elles, les œuvres majeures du cinéma moderne.
(« Moderne » déjà, « Nosferatu » de Murnau, « Les temps modernes » de Chaplin, etc. Mais bon…)
Tout est en place avec les géants que sont Kubrick, Fellini, Tarkovski, Wells… Et l’on en passe.
…Pour ce qui nous concerne, nous, en ces pages qu’on nous « commande » : Hystérie et cinéma, choisissons un cinéaste, contesté mais pas par nous : A. Zulawski.
De toute sa filmographie, relativement restreinte, on pourrait dire (ou « stigmatiser » : les grincheux) : « Hystérie !!! »
(Et nous y (re)voilà. Bonjour Charcot. Merci Charcot. Ciao Charcot. Bons baisers et… à bientôt !)
Et dans cette filmographie, choisir, parmi maintes pépites « hystériques », un diamant : « Possession ».
3. À propos du film « Possession », d’A. Zulawski.
a. Lumière
Plus qu’un autre peut-être, parmi les cinéastes – et partant, parmi les artistes en général -, A. Zulawski, notamment dans Possession, film-monstre, joue à cache-cache avec son spectateur. (Tandis que l’intention de Charcot… serait plutôt de « démasquer ».) C’est là une œuvre particulièrement irréductible. Très loin du désir de clarté. Le brouillard pour horizon. C’est donc un difficile, très difficile, mais très bon exemple à opposer aux intentions de Charcot (non pas en tant que tel, mais comme représentant du scientisme en général), désireux, avec les meilleures intentions du monde, de nous apporter LA VRAIE lumière. Oui, mais de quelle lumière parle-t-on ici ? Puisque, aussi chez Zulawski on a une immense lumière ; et qui nous inonde. Il suffit de penser à cette scène finale – qu’on se rassure, nous reviendrons au début, plus loin – où l’un des deux personnages principaux, à savoir Marc (tiens ! comme l’évangéliste…), en complète fusion avec sa femme Anna – Anna au cœur du brasier –, après être passé par tous les stades possibles de réaction : opposition sans concession, violence extrême… devant l’incompréhensible, la rejoint enfin et totalement, jusque dans la folie et le sacrifice. L’amour total.
…On le voit, Marc, dans cette scène, en sang, rampant plus que marchant, se redresser avec l’énergie du désespoir, entrer dans un immeuble. Pas n’importe quel immeuble. On est maintenant chez Dante, dans la troisième partie de sa Divine Comédie : « le Paradis ». Lorsqu’on accède aux neuf sphères célestes (après s’être farci… les neuf cercles de « l’Enfer », plongeant dans l’entonnoir de Dité, dans les tréfonds de la terre ; puis, les neuf gradins du « Purgatoire », cette fois en remontant par les flancs de la montagne). C’est en effet troublant. Marc escalade les volées hélicoïdales d’un escalier intérieur sans paliers apparents. Plus il grimpe, plus la lumière est puissante, irréelle. Parvenu au sommet, pantelant, désarticulé, la lumière qui l’aveugle nous aveugle nous aussi. Tandis qu’un son de cloche nous accompagne. Et là, pas (plus ?) de toit visible. Du tout. Du moins à l’écran.
…La différence fondamentale entre ces deux lumières, réside peut-être dans ce mot prononcé plus haut : « aveuglante ». Pour l’une. Celle de Zulawski. On pourrait presque parler d’une lumière noire tellement son intensité est grande. Et cela nous fait penser cette fois-ci, aux dernières œuvres de Dufy, Bateaux à quai à midi. Dufy traduit, génialement selon nous, cette lumière maximale, au zénith – qui devrait par conséquent être blanche absolument –, par… du noir absolu. Parce que, dit le peintre, « on ne peut plus rien voir ».
Quant à celle de Charcot – de lumière –, elle est là pour nous édifier. Elle est didactique et sage. Sapiens-sapiens.
b. Foi
Outre « Les démoniaques dans l’art », Charcot écrivit un autre texte intitulé « La foi qui guérit ». Si l’on s’en tient seulement au titre, on pourrait lui opposer également, ici, la foi qui tue, chez Zulawski. Car presque tous les personnages importants du film Possession, pour finir, meurent. On n’atteint donc pas chez lui à la béatitude des anges. Plutôt à leur chute. Les corps souffrent et se tordent encore, au moment même où, sur l’écran, on les voit nimbés de cette pure lumière dont nous avons parlé précédemment. Les balles fusent. Ambiance apocalyptique. Et le « survivant » qui crie avec jubilation : « Mais comment vouliez-vous donc que ça finisse ?! » Il s’échappe par le ciel. Mais… on le retrouve, dans la scène finale, comme un poisson dans un bocal, derrière une porte vitrée, qui refuse obstinément de s’ouvrir pour lui. Devant cette porte, une femme, sosie d’Anna, qui tient lieu de mère de substitution à l’enfant… du couple - déjà ad patres. Et l’enfant qui supplie : « N’ouvre pas ! N’ouvre pas ! N’ouvre pas ! » Avant de se jeter dans l’eau de sa baignoire. Et faire le mort.
Adieu Dante et son « Paradis ». On ne sait plus où l’on est. L’idée de Dieu et celle du démon se confondent. Toujours devant cette porte de verre, la terre et le ciel semblent trembler. Le son monte. Des avions de guerre (ayons, cette fois-ci, peut-être, peut-être, une petite pensée pour Le Sacrifice, de l’immense A. Tarkovski), que l’on ne voit, que l’on entend seulement, suffisent à nous dire la fin du monde. Le regard du sosie d’Anna, après la peur, se fige et nous contemple, possédé. D’un vert artificiel, il plonge et vrille en nous. Sur fond de générique.
On ne sait rien. L’artiste nous laisse en plan, avec nos questions. Pas de réponse au mystère.
(« Pas de réponse au mystère. Pas de réponse au mystère. Pas réponse au mystère… »)
…Rien à faire au logos !!!
c. Figures en miroir
Revenons au début. Les premiers plans sont saisissants. Ce sont comme des photos. Photos, qui seraient quelque chose comme les premiers personnages du film, en somme. Plans fixes sur des paysages urbains dévastés ; et grisâtres ; d’une tristesse infinie. Sans l’ombre d’un être vivant. « Beaux malgré tout », ils ne sont bien sûr pas là par hasard. Ce n’est pas étourderie de réalisateur. Pourtant… Zulawski, maître-manipulateur, metteur en scène des corps-actants n’est pas spécialement un contemplatif qui aimerait à se perdre dans le visage de cendre de murs éteints ; ou qui causent. Non plus que dans le corps noueux de l’eau qui chuchote en ruisselant. Ou… Bref, malgré les avions de guerre invisibles dont on a parlé tout à l’heure, Zulawski n’est pas tout à fait…Tarkovski. (Tant s’en faut.) Ce « désert », cette « immobilité stricte », « qui ponctue », fait signe. (Certes, comme il en irait chez Tarkovski, où, tout est, ne peut être ! que… signifiant, c’est entendu – voire : polysémique !) Mais, ici, ces images arrêtées « ponctuent – et c’est paradoxal - l’action toute en nerfs ! (Primant la rêverie…) », non la contemplation, la lenteur assumée, la méditation du Maître russe. « Absolue nécessité narrative », que ces « pauses » donc, pour le bouillonnant cinéaste polonais ? À n’en point douter ! Alors ? Ces « incrustations nécessaires » sont là pour nous dire quoi ? L’absence de l’Homme ! Ou plutôt, l’Homme… en creux ! Ou bien, au passé ! Pourquoi ? À chacun son idée. Le cinéaste a certainement la sienne. (Supposition ? Affirmation ? Résolution ?) Peut-être pas… Pour un artiste, ne pas tout « maîtriser », c’est aussi ! un outil. (Contrairement au savant ; tel Charcot - Charcot ; et consorts, ça va de soi ! - au stylet tout de rigueur.) On peut, toutefois, voir là comme une préfiguration de la conclusion apocalyptique. Plastiquement, le premier motif en miroir. En tout cas, des formes actancielles : selon Zulawski !
Parlons maintenant des personnages… « vivants ». De leur dédoublement. (Voire davantage.) Le premier humain à apparaître sur la toile, c’est l’homme : le mari, qui revient d’on ne sait où. (Et l’on n’a pas à le savoir.) Ce personnage-là, on l’a déjà évoqué plus haut : il s’appelle Marc. Le second, c’est Anna, sa femme. On comprend dès leur rencontre – à l’écran - que quelque chose cloche entre eux deux. De plus ou moins terrible. Troisième personnage d’importance, l’enfant : Bob. Puis, l’institutrice. Ensuite, l’amant : Heinrich. La mère d’Heinrich. (Beaucoup plus qu’un figurant.) Enfin, le « monstre ».
Pour conclure tout à fait la liste : des personnages plus secondaires, mais qui comptent. Tels, les deux détectives, car ils seront, en quelque sorte, les victimes propitiatoires du « démon-dieu » qui prend possession d’Anna. Et encore, Margie, meilleure amie d’Anna. Mais aussi « sa rivale ».
Chacun de ces personnages aura d’une certaine manière son double ; ou miroir.
Donnons quelques exemples parmi les plus parlants.
Anna. Premier motif-miroir : l’institutrice, son sosie ! Second motif-miroir : les sœurs qui l’habitent. Sa sœur, la foi. Sa sœur, le hasard. Toujours pour Anna, évidemment : « la possession ». Celle d’abord, banale, de Heinrich, qui la « vole à son mari », comme le dit – eh oui ! - la propre mère dudit… « voleur » ! C’est lui, l’amant, qui met le feu aux poudres. « Gourou illuminé – voire… hystérique !!! », il la force à « ouvrir ». S’ouvrir… à Dieu, en ouvrant son sexe. Le sexe féminin. Sous ce couvert, d’ouverture à Dieu par la sexualité et la drogue, c’est, en fait, une Chose, « autre », totale, qui va entrer en elle. Qui prendra racine en elle. Une Chose, esprit-coït, esprit-boa, python-bandeur-éjaculateur : « python-royal-musculeux-aux-écailles-d’agate », gluant, Seigneur, multiple-et-Un. À la fois… « baiseur » despotique. À la fois… « Enfanté ». On ne sait trop. Mais… C’est d’une fusion absolue, dont il est question ici. Et dont Heinrich, qui se crut démiurge, est totalement exclu.
Derechef, coup de projo sur Marc ! Au premier abord, un être solide, ce Marc. Rationnel. Mais… Se heurtant de plein fouet au début de folie d’Anna ! Ne comprenant pas. Bien sûr… Croyant être en face d’une « simple » histoire d’adultère. Puis, gagné peu à peu, à son tour, par la folie. En miroir avec celle de sa femme. Par amour peut-être. Sûrement. Possédé, il se dédouble. Bien que fermement matérialiste, il est… « habité », lui aussi, par une force surnaturelle. Qui le dépossède de son identité ? Ou bien, au contraire, le sublime ?
…Tournons quelques « pages » de Possession. Marche avant ? Marche arrière ? Oh, une mise en abyme très illustrative du motif-miroir ! Marc, trouve devant sa porte, un petit paquet. Il le défait. À l’intérieur : une cassette vidéo. Anna filmée par Heinrich. Première gigogne : le film en soi. Deuxième gigogne, plus petite : Marc qui regarde sur son écran télé évoluer Anna. On y voit aussi un autoportrait d’Heinrich, par le biais du grand miroir de la salle de danse où se passe la scène. Heinrich à la caméra ! Puis on voit la salle. On comprend qu’Anna est professeur de danse. Car il y a la présence de ses élèves, que l’on découvre également à l’image. (Et l’on ne peut s’empêcher de penser alors aux Ménines de Vélasquez.)
Revirement. La vidéo d’Heinrich se métamorphose en… l’œuvre, de Zulawski himself ! On est alors « plein écran ». Anna nous regarde. Elle parle face caméra. À qui ?... Heinrich ? Marc ? Gros plan sur le visage de Marc. Abasourdi par ce qu’il découvre de la manipulation qu’exerce Heinrich sur sa femme. Qui, sans être déjà ce qu’elle apparaîtrait, plus tard, et qui irait crescendo, est déjà « autre ». Comme… la Chose elle-même ? (Soi-même… ?) Anna !!!
d. Les « possédés du démon », selon Zulawski
À l’amorce du film de Zulawski, parmi les images fixes dont nous avons déjà parlé, se trouve celle d’un calvaire, plutôt sinistre, avec couronne mortuaire. Une croix assez sobre, maigre, noire : elle annonce la couleur si l’on peut dire. Dieu et démon. Dieu OU démon ?...
On ne peut en déduire pour autant que l’on a affaire à un film (et partant, à un auteur) expressément « chrétien », ni même forcément « mystique » – quoique…
On peut, par contre, affirmer sans hésiter que c’est une œuvre d’artiste, résolument métaphysique. Et d’ailleurs, dans toute œuvre d’artiste (hormis peut-être pour les tenants de l’art conceptuel, à vocation « rationaliste »), il y a du « sacré ». (Même si athée. Voir Pasolini par exemple.)
Surtout pas de prosélytisme donc. Mais il y est quand même question de foi.
Et l’on voit ainsi, dans une scène, caméra en plongée, Anna lever les yeux vers nous. En fait, vers un Christ crucifié, couvert d’épines, qui apparaît au plan suivant, en contrechamp et contreplongée.
Anna est implorante. Son regard vissé dans celui, mort en fait, de la divinité. Mais la divinité reste muette à son appel. Dans un jeu de champ, contrechamp, Anna insiste. Insiste. Dans sa prière elle émet des grognements plaintifs. Réitère. Rien à faire. Christ est enfermé dans sa matière. Pour l’éternité, en représentation… dans sa passion. Nul contact possible avec l’humaine condition.
Et pourtant… il y a un lien entre ces deux-là ! La femme de chair (comme la Vierge : maman de ce Jésus qu’Anna supplie) porte en elle… quelque chose d’au-delà. (Un certain fruit immarcescible ?) …Ici elle nous apparaît, Anna – Anna, du nom de la mère de Marie ? –, telle une sainte en extase. Telle Thérèse d’Avila. Elle nous semble une icône, non ? Folle ?!
e. Extase ou folie ? Hystérie…
« Possédés du démon » : un thème commun pour le savant, Charcot, et pour l’artiste, Zulawski ?
Pour sa part, bien qu’il use abondamment de ce terme, Charcot n’en croit rien évidemment. Il ne la reprend, cette formule, que parce qu’elle est « parlante ». Et il va la faire parler, précisément ! Lui faire sortir son suc. Jusqu’à la dernière goutte ! Lui faire dire la vraie de vraie vérité enfin, morbleu ! Qu’elle est un cliché, qui a la vie dure. Mais lui, dernier maillon de la chaîne, il s’apprête à résoudre l’énigme. Dé-fi-ni-ti-ve-ment ! (« Bon Dieu, mais c’est bien sûr !!! »)
Son arme ? La description. Mesurée. Précise. Réductrice.
Oui, il va réduire la bête. Au silence. Sans haine et sans crainte. Sans émotion. Sans se laisser prendre par le piège des faux-semblants. Après lui, plus rien ne sera comme avant. Plus d’extase, de possession du démon. Seulement… la maladie. Plus de saints, de saintes : seulement des souffrants. Hic et nunc. « À sortir de là… », si possible. À ramener dans la communauté des bien-portants.
Dans sa sagesse, le scientifique (… ainsi que, peut-être, pour éloigner quelque crainte quand même, qui sait ? - inavouable ?), et pour rester maître de soi-même, catalogue, rend compte, en entomologiste, sa loupe dans une main, son crayon dans l’autre. Tel un Darwin de l’âme humaine.
Cela nous donne dans Les démoniaques dans l’art notamment, une foultitude de figures, issues des œuvres d’art observées avec recul, et minutie, dans ce qu’elles ont d’extra-ordinaire. Le corps du patient devient un véhicule de la pensée raisonnable. Comme dans un traité de botanique en quelque sorte. Où des positions impossibles pour tout un chacun, comme, pour l’exemple, ce que Charcot nomme lui-même « l’arc de cercle » : le corps renversé en arrière, raide absolument, prenant appui sur la tête, pour une part, et sur le talon des pieds, pour l’autre. L’abdomen crispé, tendu comme une peau de tambour, dressé vers le ciel ; vibrant. Que vous et moi prendrions, pour le moins, pour l’exploit d’un contorsionniste au top. Que les plus crédules d’entre nous prendraient pour un signe divin. Qui tous nous impressionne. Sauf Charcot bien entendu.
…Quant à Zulawski ? C’est une tout autre affaire… Lui, se laisse gagner par les signes ésotériques. Occultes. Mieux, il les surligne, s’il le faut.
Son outil à lui : sa mise en scène et ses caméras. Sa lumière aussi. Cinématographique assurément. Une écriture donc.
Mais pas pour dire le « raisonnable ». Ni même l’explicite. « La clarté à la française ». Son langage à lui tend nettement vers l’expressionnisme nordique. Ou slave ?...
Agitation des corps, de la réalisation, mouvements de caméra ostentatoires. Mais non redondants. Car oui, la caméra se montre, tel un pinceau. Réactivant la querelle « des anciens et des modernes » ; ou si l’on préfère, la querelle… des romantiques contre les néoclassiques, en peinture. Dont l’emblème serait l’axe « Ingres/Delacroix » au XIXe siècle. L’un, Ingres, dont la probité dans l’art consiste, outre en un dessin clair et net, à masquer au maximum le faire. L’effort. L’acte devant s’effacer pour que celui qui contemple entre directement, sans être gêné, selon Ingres toujours, dans la création. Alors que pour l’autre, Delacroix, la touche par elle-même, touche de la brosse, du pinceau, voire du couteau à peindre, est un « acteur » qu’il faut considérer en soi. Elle dit, cette touche, au-delà, ou parallèlement, au sujet.
Et l’un et l’autre ont raison. Car aucun des deux n’est vain. Mais un gouffre les sépare. Irrémédiablement. Leur esthétique.
Dans cette configuration, Zulawski (qui est tout sauf « toc ») serait plutôt du côté de Delacroix. Son pinceau à lui : sa caméra. Et cette caméra-là, à bon escient s’élançant tel un manège forain, tourne autour de l’acteur (incarnant Marc), le dessine cet acteur, le lèche du bout du pinceau…, cet acteur... déjà… en vrille sur lui-même ! – telle une toupie en furie ! Et ils tournent, et ils tournent… tous deux ! (dans une valse… qui viendrait de Ravel, plus que des Strauss…) : elle, la caméra, et lui, le personnage ; en en un commun élan. Mais… en sens inverse ! Oui, dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, elle court, elle court, la caméra, autour de son sujet : l’actant-toupie ! Doublant ce faisant l’impression de vitesse. Oui !
…Et c’est le regard du regardeur : le spectateur, qui, maintenant, est, à son corps défendant, enveloppé par la scène ; entraîné, fasciné, dans cette course folle. En osmose avec le corps ruisselant, au visage d’illuminé !!! Vitesse, donc ; puis… Un coup d’arrêt ! Plan long et fixe qui grave alors sur l’écran arrêté l’être qui semble redescendre en lui-même. Voilà…
…Et ce n’est là qu’un des coups de brosse, parmi d’autres, du « peintre » Zulawski !
f. Masques et bergamasques. Visages et corps. Mouvements et expressions.
Évoquons ici le travail des acteurs. De la mise en scène. De « l’actorat » dont parle Zulawski.
a) b)
La caméra souffle. Se pose. Elle prend son temps. (Comme quoi Zulawski sait aussi effacer les traces de sa brosse quand il le juge nécessaire.) Place à l’artiste Adjani. Soudain, l’actrice, « possédée » par son rôle, décolle, littéralement. Stupéfaits, nous la voyons tel un vampire (cf. figure c) ; tel Kinski dans Nosferatu, d’Herzog cette fois-ci, non plus de Murnau. Et telle une chauve-souris aussi (ce qui est bien le moins pour un vampire), être aspirée…, d’abord par le lointain de la rue, puis, par le tunnel du métro (cf. figure a). Là, dans le métro, elle « baise l’air », sexuelle, horrible et magnifique. Elle bouffe à pleine bouche, avec son ventre qui se tord, chaque parcelle de matière invisible, qui serait impalpable ! pour nous, quidams. Devant elle, un camion – est-ce miracle ou simple accident ? – « s’envoie en l’air » avec tout son chargement qui se déverse, comme au pied d’une idole. Elle-même, Anna, métamorphosée, habitée. (Là aussi…) Par qui ? Par quoi ? (La Chose ? Ubiquitaire ?)
Ne comptons pas sur une réponse. Le réalisateur devient témoin. Il assiste, comme son spectateur plus tard, quand le film sera monté, et projeté, à du grand art.
…Où l’on retrouve les figures de Charcot ! Là, le fameux « arc de cercle » (cf. figure a). Là, la « face du démon » (cf. figure b).
*
c)
(Et ici, en c) – outre « le vampire », déjà évoqué - quelle figure est-ce donc là ? De l’inédit ?! Celle du « cache-poussière de l’enfer » ?! ; peut-être… ? - « Ha, ha, ha, ha, ha, ha !!! »)
Tentative de conclusion.
Nous eûmes le privilège d’avoir en main une édition ancienne – très, très… - des démoniaques dans l’art et de la foi qui guérit de Charcot. Cela surajouta peut-être bien à l’impression de désuétude. Nous n’étions qu’à peine… plus d’un petit siècle plus tard, pourtant. Mais il nous fallut ôter la poussière de dessus la vieille couverture, afin d’ouvrir, avec tous les égards et prévenances dus à des antiquités… d’outre-temps, ces… archéologiques ouvrages… Il nous fallut faire bien attention à ce que la peau de parchemin de ces vénérables grands-mères ne s’effrite lorsque nous tournions la page…
Cependant que… À la toute fin du XIXe, les textes en question, avaient semblé… du dernier cri ! Ils paraissaient, ces textes, en ce siècle finissant, d’un super-éternel-présent-définitif. La science, enfin ! avait eu le dernier mot, ouf ! Ouf ! l’homme moderne allait connaître, de l’Histoire – promis-juré ! -, le fin mot ! Le bon docteur Charcot n’avait pas lésiné sur les moyens pour parvenir à ce résultat sans précédent. Le bon docteur Charcot avait convoqué le Dominiquin, Andréa del Sarto, Rubens, Breughel, et tant d’autres parmi les artistes…, afin de se pencher sur leurs œuvres… dans le but - revendiqué haut et fort – de les ausculter, et, pour finir, les réduire. Les subordonner. Leur faire dire… ce que lui, Charcot, a à dire : hop ! RIEN MOINS QUE LA VÉRITÉ. (DOCTE !!!) Mais… c’est cela justement, cette naïve outrecuidance (vous l’avez vu en long, en large et en travers) que nous nous sommes complu à moquer. Oh, un tantinet. (Nous même nous prenant pour qui ? – « On se demande un peu ! Non mais !!! »)
Car le Dominiquin, Andréa del Sarto, Rubens, Breughel, et les autres, sont toujours VIVANTS. Sûr ! Ils sont prégnants ! Aujourd’hui comme hier. Et le seront DEMAIN, sans doute. Et ils PARLERONT. ET ILS DIRONT. Quand nous-même, nous qui nous agitons ce jour - un rien… « hystérique » ? dites-vous ? -, nous nous seront tu. Bah ! Depuis des lustres. (C’est à parier !)
Eux ? Dites ? Z’en-somme, n’ont pas besoin de nous, donc ?! Z’y seront hoc, là, jusqu’à… ?
Oh ! Zut ! Nous-vous revoilà ?!, toi-moi-nous-vous ! Bof… Tant pis ! Bon. Bon. Écoute…
…Eh bien ils en ont encore, au bas mot, pour quelques siècles ! (À condition que les générations futures prennent avec ces géants, ces colosses si fragiles, mille précautions, cela va sans dire. Et – forcément -, à condition qu’il y ait, à l’avenir, encore et toujours… des oreilles et des yeux pour eux. (« Des yeux-eueueueueux !!! Pour eux-eueueueueux !!! »)
…Mais quant à ce pauvre Charcot-que-tu-dis ? Ce Charcot ? Hé ? Ho ! (« Cocococô-te !!! »)
Monsieur le docteur Jean-Martin Charcot… ? Dépassé depuis fort longtemps, il n’a plus guère droit qu’à un tout petit strapontin de/et dans l’Histoire, dorénavant. Eh ouais, l’Auguste ! Eh ouais ! Et, c’est lui-même que l’on « ausculte ». Maintenant ! (« Épistémologiquement » parlant, comme nous l’avons écrit au début de cet… « article ?».) …Armé d’un plumeau à poussière, mazette ! Et ça… C’est quand même un peu triste, non ? Au fond ?
…Il est, ainsi qu’auraient pu le clamer les frères Lumière : « L’arroseur arrosé ! », ce cher Jean-Martin… (Par ailleurs doublé sur son flanc… autrichien ! À ce que d’aucuns prétendent…)
Eh ben ! Et ce quelques décennies seulement après ses Augustes Travaux ?! Quelle misère !!! De vivace vraiment ? Alors ! Que nous reste-t-il ? Hum ? Tu restions sourd, pépère ?! Ohé, du bateau ! Ohé ! On roupille ?! Kss ! Kss ! Chère Blanche ! Relève la paupière ! Hein ! Dites ! Ho ! Hé, là-haut ! À la cabine de pilotage !!! (« Ding-dong-diiiiiiiiiiiiiiiiiiinnng !!! »)
Nous reste l’Art. Et…Pas uniquement… les Beaux-Arts, comme au temps de Charcot.
Nous avons aujourd’hui, à nous mettre en bouche – mmmm et miam, miam ! -, AUSSI ! … le descendant de ce pauvre amusement de foire, contemporain de la jeunesse (genèse ?) de Charcot : à savoir, la lanterne magique. Lanterne, ayant enfanté, après divers balbutiements, le kinétoscope, d’Edison. Kinéto’, en gésine, quant à lui, DU CINÉMA !!!, des Lumière. De Méliès. NOTRE cinoche quoi ! Art sept fois majeur désormais.
Bref. C’est assez dire… la relativité du temps. C’est également souligner la versatilité des valeurs que le soc du temps entraîne, dans son sillage… Et c’est assez dire encore, d’icelui, le temps, la cruauté enfin. (Alors, alors, laissons là l’ironie, quant à nous. Non ? Ne tirons plus sur l’ambulance. À quoi bon ? Nous avons choisi notre parti, bien sûr, comment le nier ? Néanmoins, soyons magnanime. Respectons – tout de même – les efforts « dignes d’un Roland Furieux, de l’Arioste, (ou digne d’Héraclès ?) », de ce petit maître - à la Paulus Potter, dont « La Vache se mire (hystériquement ?) » - : Jean-Martin ! ce Grand Coquillage, ceint de peau de nacre ; sorti, à l’occasion de cet… exercice de style (« poussif ?! », dites-vous ?), de son bocal ; ou de… quelque… herbier… à la Buffon – et c’est ici, pour cette fois, un compliment !) …Mais le sablier nous presse : il faut conclure. Vite ! Hé, le lit nous appelle… Donc, quid de l’Art ? demandez-vous, toi-moi-toi, encore et encore ? Sans vous lasser, peuchère ! Pff… L’Art ?!
Oui. Et dans l’Art, le cinéma, pour être précis ! (Eh, pardi ! : ce champ qui nous-vous… intéresse – des deux côtés de la médaille - dans ces feuilles qu’on empila, ici : « Cinéma ET… hystérie ??? ») Nous voudrions savoir ce qui pèse dans la balance. Le poids de l’énigme. Et le pourquoi du frisson. Nous voudrions comprendre… comment ça marche. Le théorème enfin ! La formule ! La recette ! (Tu connaissions cela, vous ? ma Blanche ? Ho !)
Vous te-vouliez, vous-moi, vraiment savoir tout, l’Auguste ? Et tu-vous insistions vraiment, ma parole ! Il te-vous faut, à vous-t-aussi, ô mon double, notre reflet à nous, une réponse… à tout prix ?! Bah… Il nous fatigue, d’aller plus loin, à cette heure avancée de la nuit. Il nous tarde, LE LIT, on te-vous le répète… sur tous les tons ! Quitte à passer pour… « hystérique ».
…Hystérie !!!, hystérie !!! Toujours ce mot !!! …L’Art serait-il, par hasard… une maladie ?!
Eh, ma foi ? Permettez-nous de te-vous répondre en Gascon par une pirouette : cet aphorisme du peintre et écrivain Salvador Dali : « La seule différence entre un fou et moi, c’est que moi je ne suis pas fou. La seule ! » À savoir que l’Art, n’est pas, en définitive, une maladie. Pas une maladie, non, non ! (Quoique parfois ça rende malade : t’as qu’à voir, mon Guste, la réalisation avortée du film, qui aurait dû être un film-fleuve, L’enfer, de Clouzot. Le cœur dudit Clouzot ayant flanché pendant le tournage. Sans compter la défection de l’acteur principal pour cause de… dépression nerveuse !!!) Mais bon, normalement, c’ n’en est pas…
Mouais… Mais… Si ce n’est pas une maladie, l’Art, qu’est-ce alors ? Dis Blanche !
L’Art ? ô toi, burlesque ! Ô mon grotesque compère ! L’AAART ???, ô Guste ! L’Art… ???
…Exprimer l’ineffable. Croyons-nous… (C’est pourquoi, avec « te-vous-moi-toi », l’Auguste, nous tournons, autour du pot. Autour du pot-aux-roses !!!) C’est-à-dire qu’il n’y a plus de discours possible. Sinon à quoi bon faire ce que l’on pourrait se contenter de commenter ? Hein ?! Est-ce qu’un commentaire peut remplacer la 9ème symphonie de Beethoven ? Woyzeck, de Berg ? Or, Clown ! ici, nous sommes dans la musique. Pas dans la science. Plus rien à voir avec Charcot. Dodo ! Charcot. (Et ses semblables.) Vivat Charlot !!! Dehors, l’édification.
…Et la démonstration : sauf à… dé-« monstrer ». C.Q.F.D ! (…O K ?)
(Philippe Baudet, décembre 2009-juin 2011)