REPOS !
« Hirsute ! Barbe devant ! » avait écrit jadis mon père, inspiré et méchant, dans une lettre à ma mère, après que je lui ai rendu visite… avec le premier petit bouc post-adolescent venu se coller sur mon visage encore bello d’angelot.
C’était il y a mille ans maintenant.
Il avait écrit aussi, dans la même lettre, toujours parlant de moi, son fils quand même : « J’en ai honte pour moi et pour les autres ! »
Près de mille ans plus tard, naguère donc, que n’eût-il écrit, s’il avait pu me voir avec une barbe fleurie à la Charlemagne (du moins selon la légende, certains historiens de poids s’insurgeant : « Non, pas de barbe fleurie pour le Grand Charles : menton glabre ! »)
Oui, que n’eût-il écrit, sur ma tronche submergée par des flots de poils ; s’il avait vécu bien entendu.
En tout cas, pas « hirsute » cette fois, vu que mon crâne était nu, était à nu. Était absolument tout nu pour le coup. Comme est nu le nouveau-né. Comme aussi l’on est nu pour la Grande Visite. Comme encore il fut nu, lui-même, mon père, pour le conseil de révision de l’Armée.
Bah… Repos ! Repos !, chère âme qui nous a quittés, orphelins, un jour brutal d’août 1984. Juste avant le chocolat ! Repos ! Et qui nous a quittés… Dieu sait de quelle odieuse manière !
REPOS !
(Philippe Baudet, novembre 2009)