Lola la douce : Philippe Baudet, le vendredi 3 octobre 2014

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Vendredi 3 octobre 2014

 

 

Lola la douce. Voilà : ton départ est quasiment programmé ; et je n’ai pas écrit le moindre poème sur toi… comme je le fis pour Léo. C’est, vois-tu, que je me défendais de trop m’attacher à toi (ou plutôt, je voulais m’attacher à toi « raisonnablement », pas « passionnément »), afin de ne pas trop souffrir quand… l’heure sonnerait. Comme si l’on pouvait se protéger d’aimer ! D’autant que tu fais tout pour être aimable justement. Oui, comment « ne pas trop t’aimer », ou « juste ce qu’il faut », afin de ne pas trop souffrir de ton absence le moment venu. Comment ne pas souffrir du manque de toi ? (Dans un temps que j’aperçois désormais ; qui s’approche à grands pas !)

Car c’est qu’avec vous autres, les « à quatre pattes » que l’on prend avec soi pour un bout de route, le sable dans votre sablier ne se compte pas tout à fait comme le nôtre, à nous, les « à deux pattes ». 

Tu es encore là, ma douce. Pour peu de temps, mais encore là. Bientôt, c’en sera fini. Mais je caresse encore ta tête ; et tes beaux yeux toujours me regardent au fond des yeux, comme si cet instant devait être éternel. Moi je sais cependant. Et toi ? Sais-tu ? Tu souffres, oh oui tu souffres. J’essaie d’atténuer la douleur. J’y parviens un peu, je crois ; mais de moins en moins hélas. Je te sors encore un peu dehors : quelques tours de parc ; de moins en moins de tours. Hier, tu n’as pu même faire un tour de parc complet. J’en frémis. Aujourd’hui, nous sommes sortis juste pour quelques pas. Nous n’avons pas dépassé le bassin. Alors je me suis assis sur le vieux banc, et toi tu t’es affalée. Le souffle court. Comme collée à la terre tu étais.

Pourtant, il y a seulement quelques mois tu avais une santé éclatante ; tu semblais avoir une santé éclatante : tu faisais encore de ces sauts en hauteur ma belle ! Et je t’applaudissais à tout rompre ! De ces sauts ! Une heure durant. Ou tu courais à toute berzingue, tel un lévrier, ô noir labrador !

Tu as onze ans. Tu n’as que onze ans. Déjà onze ans : tes onze années ont filé le temps que met une cigarette à se consumer au bec, ou presque…

Tu n’auras jamais douze ans. Le vétérinaire a été formel. Jamais. Onze ans : stop !

Je ne te laisserai pas souffrir le martyre.

Quelques semaines encore Monsieur le bourreau ? C’est possible ?

Silence dans la nuit, ponctué de quelques gémissements.

Le cœur me serre. Dans la journée je redouble de soins. Je nettoie sa patte (cancer de la patte : vous y croyez ?!). De l’argile verte. Des pansements. Des antalgiques. Demain, nous sortirons seulement pour que Lola puisse faire ses besoins.

Des plaintes dans la nuit. De jour, le regard de Lola, maintenant, parfois se perd… je ne sais où.

Nous vivons ses derniers moments.

Lola souffre. Mais a aussi quelques joies de temps à autre. (De plus en plus rarement il faut dire, gouttelettes de plus en plus esseulées, perdues dans un océan de sel…)

Du baume sur son mal. Elle vit… de répits. Sa queue balance quand je vais la voir.

Mais… Quand cela sera devenu par trop insupportable ; quand sa queue ne balancera plus… alors, alors… Fin de la partie. Fin de sa vie. Néant.

 

Tant de chagrin. Ô ma Lola ! Ma Lole ! Ma douce…

 

(Post-scriptum : Lola est morte le dernier jour de 2014)

 

 

 

 

 

 

 

 Philippe Baudet, 2014