SOUS TES FENÊTRES, LA SAÔNE…

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SOUS TES FENÊTRES, LA SAÔNE…

(Troisième version)

 

C’est bien joli la vue que tu as dis donc ma Laure, depuis tes fenêtres du 21 Quai Jayr. Bien joli oui, surtout par beau temps évidemment… Et quels superbes platanes aussi viennent, comme chez nous le tilleul caressant la fenêtre de notre chambre, étendre leurs longs bras jusqu’à toi, quasi… ma mie. En face, au-dessus des quais rectilignes, la longue colline peuplée de flopées d’arbres, et puis de bâtiments quand même. À gauche, le coquet petit pont rouge – le Pont Masaryk, arborant hélas, en son milieu, coiffant un gros pilier disgracieux, prétentieuse, cette arche en forme d’arc… d’on ne sait trop quel triomphe – dessine quant à lui, tout en sachant rester modeste pour le coup, un trait des plus élégants ma foi au-dessus de la Saône… qui par là court tranquille à deux pas de toi, mon amour. À droite, mais tout là-bas, au loin, que tu ne vois qu’en tordant ton tendre cou (et encore pas sûr, peut-être qu’il te faut pour cela sortir, faire quelques pas au-dehors, aller jusque sur le Pont Masaryk va savoir ?), la pointe de “la Tour Eiffel lyonnaise”.

Enfin, car tout a une fin, parmi les maints petits trésors composant tes nouveaux quartiers, ma Laure, une perle attend patiemment de se dévoiler au regard.

Cependant, pour la découvrir cette perle, il va nous falloir maintenant quitter pour de bon tes fenêtres du 21 Quai Hippolyte Jayr : ton nouveau nid ma chérie, traverser tout ton appartement, aller par le couloir jusqu’à la porte d’entrée, l’ouvrir, sortir sur le palier, descendre l’escalier jusqu’au rez-de-chaussée, et, une fois dans l’allée, se diriger vers le hall - cette charmante, cette semi-transparente boîte tout en bois et en verre sur sa face intérieure -, passer le seuil du 21, et nous retrouver bientôt à même la rue ; sur le trottoir alors, il va nous falloir tourner à droite toute !, et pour finir, marcher résolument sur quelque cent cinquante mètres… où… là… oui, là… s’offrira à nous, majestueux, un très, très curieux immeuble. Immeuble de tête ; à la pointe d’un plan en long triangle aigu ; triangle dont l’un des deux grands côtés est la rue de Saint-Cyr qui, si l’on n’y prend pas garde, ou bien si l’on tourne en rond en cherchant une place pour se garer, file presto sur la rue Masaryk… qui est, elle, le petit côté du long triangle aigu dont je te cause ici – oh, pas toute la rue Masaryk, en entier, non, seulement une portion de rue, à peine un quart en fait - ; rue Masaryk… fonçant pour sa part tout droit, de son droit tracé rigide, telle une flèche vers sa cible, se ficher dans le pont du même nom : « Masaryk », ce petit pont rouge que j’ai évoqué tant et plus déjà. Mais nous nous égarons holà ! Aussi, pressons-nous de revenir à nos moutons : l’immeuble !

…“Immeuble” ? Quel “immeuble” ?

Mais oui !, tu sais bien, ce haut immeuble… que tu me montras fissa en roulant, et de nuit, avant-hier, dont je ne pus par conséquent me faire qu’une maigre idée, mais qui en le contemplant longtemps et au jour est à son mieux : le fameux “gratte-ciel”… et sa ligne fine comme pour un défilé de mode, avec ses motifs bleus de robe sur fond blanc - que je puis dorénavant, d’où je suis, goûter vraiment -, et avec à ses pieds… quelques “jours de printemps”, ô mon amour…, dis ?

 

 

(Philippe Baudet, 31 mai 2013)