TABLEAU SURANNÉ
(Chanson)
Tout le monde n’est pas Cézanne, nous nous contenterons de peu
Aragon
Il est peintre : dieu Cyan “enchapeauté” d’ozone,
Jusqu’à la stratosphère il étend ses couleurs ;
C’est le bleu infini circonscrit dans sa zone,
Qui, la nuit – ou quand se clôt l’œil – n’est que pâleurs…
*
Il fignolait le ciel : sa toile “enchevallée”,
De cet azur clinquant qui coule des montagnes,
Qui coule dans mes yeux jusqu’au fond des vallées
Finir sa vie de bleu, quand… des éclairs l’empoignent !
Lui, qui n’en pouvait plus d’embrasser le soleil,
De ternir d’outremer le Grand Deuil des étoiles,
De se mouiller de mer, d’iriser le corail
À force de lumière, et de frapper les voiles…
Le voilà tout surpris, dans son manteau zébré
De flammes jaunes et puis de gris… qui s’étale,
D’être un spectre qui rampe, un crayon pour ombrer
Dans la pogne, et de courser le bleu qui détale ;
Lui, qui n’en pouvait plus d’embarrasser l’Éther,
De taire à la nuit noir(e), le Grand Deuil des étoiles,
De mouiller de lapis le glacis de la mer,
De marquer de son sceau, sur ces eaux tant de voiles,
Archer rouge… à violet, cheval d’Apocalypse,
Le voilà qui s’attriste et pleure des regrets.
Et ses larmes dévalent le dos des adrets,
Emportant avec elles le lis et le gypse…
*
Sa charrue, ça ferraille, et l’acier de son soc
Arrache, et rocs et fleurs : la montagne “rigole”
Qui coule dans mes yeux, puis va, comme d’un broc,
Se jeter (sous les yeux de ce dieu qui s’affole)
Dans un lac !
Mais cela, c’est sous lui : au-dessus point de vagues !
C’est son ventre le fou, car son dos, toujours bleu,
Tourne le dos au drame : de feu qui zigzague,
Point ! Au-dessus du plafond floconneux : C’EST BLEU !
Comme un lac.
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Quant à moi, moi le témoin… je tourne la page.
Fin
(Philippe Baudet, 2009)