UN LEVER PARMI TANT D’AUTRES… (+ HUILE X 37 : Philippe Baudet, 2018)

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(Et toujours la mer… fantasmée.)

 

UN LEVER PARMI TANT D’AUTRES…

 

Le soleil qui se lève au cœur de l’ouvrage ouvre son rond-de-bouche et embue des portées où des sistres qui scandent frappent et propulsent des corps… vers, et dans, la douceur extrême d’une main levée… qui caresse de toute la pulpe de ses doigts potelés ; qui caresse avec moelleux ; qui caresse avec ses doigts, qui doucement se referment… sur l’oisillon : un nid. De chair. Rose et onctueux. Ou bleu, vert, gris, ocre, or, argent…

C’est la mer revenue (ou que l’on croit revenue : on croit ce que l’on voit…), avec son port altier, après le “dé-chant” de la nuit…

Cordes tendues. Ongles qui frottent. Cordes qui vibrent… à marée haute. Les cordes sont tendues comme est tendu le vent en rut sur la croupe des vagues. Vent qui palpe les seins des nuages affolés.

Et qui palpent les seins : nuages affolés.

Et l’oisillon “s’é-plume”.

 

Les flots impétueux font tellement de bruit,

Que les “ventres de bois” se jettent dans le puits,

De l’OUBLI. Qu’ils bouchent leurs oreilles “voilées”,

D’une toile tendue giflée par l’eau salée…

 

Un brasier vit dans l’or du soleil sur l’eau verte,

Immense reflet flou qui veut danser le (d)jerk,

Au gré des flammes et des lames qui bondissent.

Cette eau qui se fait trombe est un mur vertical,

Qui s’abat, mais vainement, dans sa propre masse :

Un géant costumier chevauchant les décombres,

Se met à coudre ensemble et la vague et son onde…

En habit d’arlequin où viendront faire escale,

Les bateaux en papier.

Avant de prendre feu.

 

Et puis la mer se met à table, bonace sous un ciel devenu doux : c’est l’heure du petit déjeuner. (Avant ? Mais voyons… c’était sa “toilette” !) Le vent, après s’être étiré en bourrasques matinales lui masse le dos…

Bref, petit déjeuner.

Au menu : les derniers traits de la pluie qui s’agrègent au tissu de sa peau. Ensuite, quand le rideau des nuages s’ouvre, des milliards de spaghettis : les rayons du soleil, qu’elle brise, qu’elle éclate… en se riant de ces feux-de-la-Saint-Jean… qu’elle avale, avec un grand bol d’eau !

Son ventre, en roulant, ondule d’aise, gonflé de vermicelles. (Gonflé aussi de tout un monde dont nous ne parlerons pas ici : nous l’avons évoqué déjà, en long, en large, et en travers…)

Un bon rot. Suivi de tout un tas de rototos de bébés tels des roulements de tambour…

Et son matin s’achève.

Il s’achève par une envie de s’étirer sur sa longue chaise… jusqu’à la plage.

Après ?... C’est une autre histoire.

 

Pour l’heure,

dans le bocal, ce coffret à bijoux, c’est le poisson dont les yeux parlent, qui joue : « Hibou, joujou, caillou… etc. »

Et les yeux disent, disent, disent… des trucs et des bidules !, et des histoires à dormir debout…

C’est le cerveau qui travaille ou qui bâille, selon…

Il raconte… conte… conte... le fond des mers ?... où flottent des perles ?...

Et puis n’importe !, perle ou pierre, tout finit en… Eh oui : “poussière”. (L’on n’a pas pu résister à ce cliché-là, ah, là là…)

 

Mais, quand c’est vif dans le chou, ça bout ! C’est le regard de l’esturgeon qui taquine la canne et se joue de l’hameçon…

Il fait la leçon au pêcheur.

« Qui ça ?

- Ha… S’en fout ! Qu’il poireaute celui-là ! »

Au bout de la ligne, crocheté, un asticot se tortille, le pauvre. L’esturgeon le dé-croche, habile, avec ses dents et le berce un moment, puis le bouffe (c’est la vie…). Il ricane, impavide ; silencieux comme la carpe : ah !, la gueule du pêcheur !!!

Du bout des dents il – le poisson, bien sûr, afin de rire un peu lui aussi… malgré que ses mimiques lasses : “inexpressives” pour tout dire, n’en laissent rien paraître - tire d’un coup sur la ligne !… comme pour appeler un serviteur. Et l’autre bien sûr, l’autre, là-haut, pavlovien – hop ! -, sort illico presto son engin de l’eau ; mais rien !, pas même le ver, le con !

…Il avait déjà les yeux qui brillent. Et la bouche en cul de poule. Enfin… Passons.

Dans le crâne-bocal des idées naissent au sein du colimaçon. Ou ne naissent pas. Des idées naissent ; et meurent. Des images apparaissent. Parfois…

Tel un tableau au fond du crâne.

 

…Et qu’un pré vert te tend un âne : un baudet crâne et puis son œil, grand ouvert en touchant le seuil, de la maison.

 

Petit garçon !

Tu vas à reculons,

au fond du nid :

soit, lit de feuilles virginales,

soit, palimpseste en tes annales…

dans les replis,

de la raison, en te prenant pour l’esturgeon,

petit garçon…

Dans ta boîte à bijoux tu fais joujou : « Hibou, caillou… genou et chou ! »

 

Ce faisant,

nous sommes au crépuscule. Le jour est blafard mais la lune est reine. Reine d’un soir : elle est pleine.

Et la lune lèche de sa langue la crête des vagues qui refluent. Un vent d’Est se lève qui fouette les joues et bouscule les amers. On entend claquer. Quoi ?... On ne voit pas. On dirait une voile ; et peut-être une armada de cordages… ?

…Mais ce peut n’être qu’un simple drapeau et son mât tout près de nous, mais qu’on ne verrait pas… dans l’obscure clarté par trop maigre due aux malheureux derniers feux du soleil se mourant, absorbés par l’écume des flots ; ainsi que due au mince filet d’une lune bien seule alors. Que cela…

 

Dans le lointain un chien jappe.

Et la mer balance et puis s’en va, dans un ultime grognement.

 

 

Fin



(Philippe Baudet, dimanche 4 janvier 2009)